Cameroun - Électricité : L'incongruité du choix des poteaux en bois dans le transport de l'électricité
Le choix stratégique des poteaux en bois dans le réseau de transport et de distribution de l'énergie électrique au Cameroun est questionnable. En effet, 60% de ceux-ci sont défectueux pour un parc de 1.300.000 poteaux. Ils sont non seulement à remplacer sur l'ensemble du territoire avec le coût que cela implique, mais aussi, ils sont l'une des causes des nombreux délestages subis par les populations selon Gaston Éloundou Essomba, le Ministre de l'Eau et de l'Énergie (Minee).
" La chute des poteaux de bois utilisés par le concessionnaire Eneo est l'une des causes des délestages sur l'ensemble du territoire national ", a affirmé Gaston Éloundou Essomba, au cours d'un point de presse qu'il a organisé en date du jeudi 31 mars 2022 à Yaoundé.
En effet, le gouvernement a déjà fait remplacé 31.000 poteaux de bois sur 780.000 identifiés comme défectueux sur l'étendue du triangle national entre 2019 et février 2022. L'objectif affiché étant une substitution systématique des poteaux de bois par des poteaux en béton sur des lignes appelées à muer en lignes moyenne tension, pour une distribution optimisée de l'énergie électrique dans les principales localités du pays.
De l'obsolescence programmée pour des budgets grevés
Les poteaux de bois ont contribué sur les quatre dernières décades à l'accélération de la couverture électrique du pays. Le taux d'accès à l'énergie électrique est ainsi passé de 20 à 50%. Cependant, selon les dires du Ministre de l'Eau et de l'Énergie, Gaston Éloundou Essomba, ils sont devenus une menace pour la continuité du service électrique, et voire pour la sécurité des personnes et des biens.
La substitution de ces poteaux de bois par des poteaux en béton ou des poteaux en plastique en zone marécageuse, s'impose donc de facto comme la prescription du bon sens. Et d'ailleurs, le même bon sens fustige le choix initial de la gouvernance du secteur de l'électricité ayant mené au choix des poteaux en bois pour le transport et la distribution de l'électricité au Cameroun. Tout esprit avisé ne peut être que vent debout au regard d'une telle option stratégique. Car, il convient certes de le rappeler, quelque soit la technique de pointe implémentée pour préserver le bois, sa durée de vie maximale soumis aux intempéries du climat tropical est maximum dans les 30 ans. Outre ces intempéries, les feux de brousse et voire quelques mites, termites et autres insectes en arrivent au finish à avoir raison du bois au bout d'un certain temps, quelque soit le produit chimique utilisé lessivé par les pluies. Toutefois, il est vrai que plusieurs acteurs du secteur, attribuent le rapide pourrissement du bois aux négligences dans l'application des techniques de traitement, et ceci, en raison de l'arrivée de plusieurs prestataires dans ce domaine après l'exclusivité dont jouissait l'ex Société Nationale d'Électricité (Sonel).
Le choix stratégique du bois demeure quelque peu incongru entre autres, au regard de la durabilité de plusieurs autres matériaux déjà éprouvée. L'on a comme l'impression que les stratèges et les planificateurs initiaux étaient dans la logique d'un sempiternel recommencement sur la trame d'une certaine obsolescence programmée. Sauf que dans le cas d'espèce, l'on passera le temps à échéancier itératif, à refaire les mêmes investissements en infrastructures qu'on aurait pus s'épargner en optant d'emblée pour les matériaux de durée de vie hyper longue. C'est donc une manifestation de la politique de l'éternel recommencement et du sur place. Fort malheureusement, comme le dit l'auteur Bernard Nanga dans son roman " Les chauves-souris " : " qui n'avance pas recule "... Drôle de façon d'avancer que de le faire à reculons. L'on en est encore a changé l'ensemble du bois en défectuosité programmée du réseau électrique national à la faveur du béton alors que ceci aurait dû être le cas depuis au moins 40 ans.
La situation est d'autant plus bouleversante au regard des considérations conjoncturelles tant nationales qu'internationales. Le peuple manque cruellement de services de base de qualité, n'envisageons même pas la problématique de leur gratuité, la misérabilité s'est accentuée, une maladie telle que le choléra dite de la saleté continue de faire trépasser, le coût de la vie est inflationné, la corruption et la malgouvernance sont exacerbées, l'endettement chaque jour un peu plus devient plus dommageable et risqué, etc. N'a-t-on pas manqué de bon sens et d'esprit de prospective en adoptant des poteaux de bois ? À qui a profité ce " crime " ? En effet, les budgets consacrés à la construction de lignes en poteaux de béton aujourd'hui auraient été sauvegardés, investis à d'autres fins eu égard aux nombreux défis conjoncturels du pays.
Et bien sûr, ce désastre stratégique et prospectif ne naît pas avec Eneo, mais plutôt avec la Sonel sous l'égide de Marcel Niat Njifenji, actuelle deuxième personnalité constitutionnelle de la République.
En matière d'incongruité au Cameroun, l'on est bien loin d'être au bout de nos peines.