Cameroun - Office céréalier : Le financement dérisoire de la lutte contre la famine du Gouvernement

Grains de céréale mis en sac.

 

 

Le Gouvernement a accordé une subvention de 250 millions pour l'exercice 2022 à l'Office céréalier du Cameroun via le Ministère des Finances. Une enveloppe quasiment insignifiante et qui ne saurait permettre de venir à bout de la famine et à constituer des stocks suffisants pour l'approvisionnement des marchés en temps crisique.

 

 

 

 

"Le Ministère de l'Agriculture et du Développement Rural qui est notre tutelle technique m'a écrit hier (lundi 9 mai 2022), pour m'informer qu'une enveloppe de 250 millions de francs CFA nous a été accordée comme subvention de l'État pour le compte de l'année 2022. Cette enveloppe déjà très insuffisante sera soumise à des procédures pour le déblocage, alors que la famine se profile à l'horizon", a décrié le Directeur général de l'Office céréalier, Mohamadou Gassimou.

 

Cette complainte du Directeur général de l'Office céréalier est certainement justifiée, et ses craintes sont légitimes au regard des données conjoncturelles de l'économie tant nationale qu'internationale, qui sont toutes inflationnistes dans leur inhérence tant d'avec les mesures sanitaristes restrictives irresponsables ayant mené au blocus de l'économie mondiale dans le cadre de la riposte à la pseudo pandémie covidienne dès mars 2020, qu'avec l'occurrence de l'opération militaire spéciale de la Russie en Ukraine qui, convient-il de le rappeler, connaît son train d'embargos sur les productions russes. Or, la Russie étant le premier producteur mondial d'engrais, les embargos atlantistes sur les engrais russes font culminer l'imminence d'une famine mondiale aux proportions apocalyptiques, voire collapsologiques si les sanctions occidentales sur ceux-ci viennent à être maintenues... Et, l'on peut aisément comprendre à ce sujet, le récent plaidoyer en faveur de la levée de cet embargo sur les engrais russes du Secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres. Une crise alimentaire sans précédent dans l'histoire humaine laisse entrevoir son spectre tel un croquemitaine, et dans le cadre de sa riposte "stratégique" - si ç'en est bien une relative aux données conjoncturelles sus-indiquées -, le Gouvernement accorde une bagatelle de 250 millions de francs CFA à l'Office céréalier du Cameroun ! N'est-ce pas pure dérision ? Notamment quand on sait que le "monument Patriote" au rond-point de la Primature à Yaoundé, pour l'inauguration duquel en date du mardi 17 mai 2022, un parterre d'officiels s'est donné rendez-vous a coûté 5 milliards de francs CFA. Bien qu'il soit l'aboutissement d'un projet de la Mairie de la ville de Yaoundé, l'on ne saurait se mettre des œillères ou taire le fait que ce soit quand même de l'argent du contribuable, pour la réalisation d'un monument de scandage propagandiste à la soviétique d'un certain "patriotisme" pourtant bien absent lorsqu'on passe au crible de la critique objective nombre des aspects du paradigme de la gouvernance camerounaise. Un coût de 5 milliards de francs CFA pour un monument dont la plus-value à impacter le vécu, l'indigence sans cesse croissante du camerounais lambda congrue vers le nihilo, toute réserve faite de la problématique esthète dudit monument qui fait polémique, mais, comme l'on a coutume de le dire, les goûts et les couleurs ne se discutent pas... À quoi sert un monument dispendieux fût-il d'esthétique sublime lorsque le peuple crève la dalle ? Est-ce le symptôme d'un certain hubris abyssal gouvernemental ? D'une répugnance à l'encontre du peuple ? D'une indifférence, une errance, une incompétence face à la misérabilité du plus grand nombre ? Quel que ce soit ce que cela pourrait être, n'est-ce pas un tantinet glauque et révoltant ?

 

Et ce, d'autant plus que, le financement de 250 millions accordé par le Gouvernement à l'Office céréalier en 2022 est très en deçà des fonds alloués au cours de l'exercice 2021, soit un montant de 450 millions de francs CFA, reparti en fonds d'aide à la résilience Covid-19 de 300 millions, et de plus de 150 millions de francs CFA au titre du budget d'investissement de la structure. Le peuple affamé serait-il l'objet d'une moquerie gouvernementale, voire "monumentale" ? Le questionnement pourrait sembler au vitriol, cependant, il vaut son pesant d'or. Comment comprendre qu'il y a des centaines de milliards à fossoyer en rallonges budgétaires pour une autoroute Douala-Yaoundé qui stagne à ses 60 premiers kilomètres jusqu'en 2022 alors qu'elle était supposée être livrée depuis 2018 pour un coût initial de 339 milliards de francs CFA qui, par une alchimie arithmétique et comptable dont le Cameroun est passé maître, va se muer en 628 milliards de francs CFA, mais qu'il n'y aurait pas de milliards pour nourrir le peuple ? L'on entretient un train de vie somptuaire de l'État, mais, il n'y aurait pas assez pour nourrir le peuple ? L'on se permet une multitude de turpitudes dont l'évaluation s'effectue en milliards, mais le peuple encourt la famine ? Est-ce un peuple famélique qui pourrait relever les grands enjeux de la SND 30 du Gouvernement ? La cocasserie de telles contradictions est à tomber à la renverse...

 

 

Esquisse succincte des difficultés de l'Office céréalier

 

 

L'Office céréalier fut créé par l'État camerounais en 1975. C'est de facto une centrale d'achat et de stockage de céréales pour approvisionner le marché intérieur en temps de pénurie pour venir à bout tant de l'inflation que de la famine. N'étant pas une entreprise, et n'ayant pas vocation à faire du lucre, l'exécution de ses missions repose essentiellement sur une affectation suffisante de ressources provenant de l'État, et outre mesure, de bailleurs de fonds. Pour l'heure, son manque d'autonomie financière entrave toute possibilité de planification de ses activités, et il se heurte à d'énormes enjeux structurels. Pour tout investissement,  il doit recourir à sa tutelle technique le Ministère de l'Agriculture et du Développement Rural (Minader). Et pour la constitution de stocks, le financement provient de sa tutelle administrative le Ministère des Finances (Minfi). La dynamique de sollicitation des fonds auprès des bailleurs de fonds et autres entités non-gouvernementales initiée par son Directeur général n'a pas encore jusqu'ici porté de fruits.

 

Deux millions de personnes encourent la famine dans le Septentrion, d'autant plus que l'on est en période de pré-récolte souvent marquée par la raréfaction des denrées alimentaires, notamment les céréales qui constituent à 70% l'essentiel de l'alimentation des populations septentrionales. Ajoutez à ce tableau le risque de famine pour l'ensemble du pays eu égard aux considérations conjoncturelles défavorables tant au niveau national qu'international. Fort malheureusement, l'Office céréalier est impuissant à confronter une telle éventualité. Car, convient-il de le relever, outre les difficultés relatives à la modicité du financement gouvernemental, les stocks laissent à désirer, ils sont -  sans euphémisme aucun -  quasiment vides, soit 1600 tonnes de maïs comme seules réserves, c'est-à-dire une propension de 3,2% des capacités de stockage de l'Office qui sont de 48.800 tonnes. N'est-ce pas quelque peu tragique ? En effet, "la gestion de ce stock sera également très difficile. Ce maïs se trouve dans nos centres de Ngaoundéré et de Garoua. Si la famine se déclare à l'Extrême-Nord, il faudra transférer l'ensemble des stocks là-bas. Ceci implique des frais supplémentaires liés à la manutention et au transport", a indiqué le Directeur général de l'Office céréalier Mohamadou Gassimou.

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