Cameroun / Eau et énergie : Blaise Moussa, à marche sereine vers l’eau potable

Cela s’est joué à quitte ou double : Ressusciter la Camwater ou la laisser au séjour des morts. Le choix fut vite fait.
Blaise Moussa, le dg de la Camwater.

La Camwater devait être, pour étancher la soif des Camerounais avec de l’eau potable, mais aussi pour que soit respectée la promesse faite par le chef de l’Etat de délivrer aux populations une eau de qualité. La clé du succès reposait alors sur la sélection du manager, une spécialité de Paul Biya. Dans le chapeau, plusieurs candidats. Il ne fallait pourtant qu’un seul élu. 

Au sortir du Conseil d’administration extraordinaire tenu ce 30 septembre 2022 à Douala, Blaise Moussa sera désigné au poste de directeur général (DG) de la Cameroon Water Utilities (Camwater), l’entreprise publique chargée de la production et de la distribution de l’eau potable dans le pays. Le choix de la jeunesse et de l’expérience. Le promu remplaçait à ce poste Gervais Bolenga, qui avait été nommé à la tête de cette société d’État en novembre 2017 et qui avait été fortement critiqué.

Etat des lieux

Fonctionnaire aux multiples casquettes, Blaise Moussa a débarqué à la tête d’une entreprise dans la tourmente. En effet, Camwater peinait à satisfaire ses plus de 500 000 abonnés. Des dysfonctionnements techniques et opérationnels perturbaient l’approvisionnement en eau potable même des deux capitales du pays. 

De sources officielles, avec ses 96 stations de traitement et 32 stations de reprise, l’entreprise dispose d’un d’une capacité installée de 824 456 m3/jour et d’une capacité totale de stockage de 267 834 m3. Mais « de nombreux équipements de production et de traitement des eaux sont dans un état de délabrement et le réseau de distribution est vétuste et nécessite d’importants moyens pour sa réhabilitation », avait alors reconnu le ministre de l’Eau et de l’Énergie, Gaston Eloundou Essomba, dans son discours d’installation. La situation était telle que le rendement de distribution se situait autour de 48%. C’est-à-dire que plus de la moitié de l’eau injectée dans le réseau était perdue. Ce qui engendrait un déséquilibre entre les charges de l’entreprise et ses recettes.

Pour améliorer le service et rétablir l’équilibre financier de sa structure, Eloundou Essomba avait recommandé au nouveau dirigeant l’amélioration du rendement de distribution ; la mise en place d’un système de facturation efficace et efficient ainsi qu’un dispositif de recouvrement hautement performant ; l’installation d’un système de back-up énergétique à travers l’acquisition des groupes électrogènes en vue de maintenir la production continue d’eau potable et le maintien en bon état des installations de production d’eau potable à travers le territoire national.

Batailles 

Dans le cadre du colloque international sur la gestion des sociétés d’eau potable que le Dg de la Camwater a convoqué à Yaoundé les 26 et 27 janvier 2023, sous l’égide de l’Association africaine de l’eau (AAE), il fera le constat suivant : « le rendement de distribution à date (de l’entreprise) se situe autour de 46,61%, c’est-à-dire que la Camwater perd plus de la moitié de l’eau qu’elle produit ». Les pertes généralement appelées Eaux non facturées (ENF), soit « la différence entre le volume d’eau potable émis dans le réseau de distribution et celui effectivement facturé aux consommateurs », constituant ainsi 53,39% de la quantité d’eau produite.

A la Camwater, on répertorie ces ENF en « les pertes techniques, commerciales et la fraude », soient les pannes sur le circuit des installations, mais surtout le vandalisme sur les installations techniques. Avec en conséquence « un déséquilibre entre les charges de l’entreprise et ses recettes ».

Dans la même veine, à en croire Blaise Moussa, le coût de production d’un mètre cube d’eau potable est évalué à 900F, or le prix de vente est situé entre 60 Fcfa et 70 Fcfa. La « tranche sociale » constituée essentiellement de ménages des zones défavorisées, ne payant pas la TVA. Aussi, la Camwater a envisagé des bornes fontaines publiques non payantes dans des zones défavorisées. « Tout cela a un coût et pour y parvenir, il faut de l’équité et la solidarité », prône le DG de la Camwater. Plus important, « il faut un renforcement infrastructurel mental et moral des citoyens », a souligné l’homme qui pense que « tous les citoyens doivent être parties prenantes de l’engagement car nos sociétés d’eau sont financées par nos Etats qui n’ont pas des moyens illimités ».

Anti-fraude

Le Cameroun à travers la Camwater essaie à la fois de satisfaire l’ensemble de la population, et atteindre ses résultats financiers. 

Des cas de fraudes ont été plusieurs constatés. Le vol d’eau par détournement de l’alimentation par un branchement pirate est une véritable gangrène. Par exemple, seulement entre novembre et décembre 2022, 1000 cas de fraudes ont été recensés dans 9 régions du pays par la Camwater, la société de production et de distribution de l’eau potable.

« Dans ce cadre, les factures de pénalité appelées « factures fraudes » ont été émises à hauteur de 123 033 137 FCFA dont 10 707 047 FCFA ont été recouvrés. Dans le même temps, les diligences sont en cours pour les poursuites judiciaires contre les auteurs de ces actes répréhensibles », informait Blaise Moussa.

A la suite de ce triste constat concentré dans les villes de Yaoundé et de Douala, la Camwater a invité tous les usagers entrainés volontairement ou non dans l’engrenage de ces manœuvres illégales, à régulariser leur situation auprès de leur agence commerciale de rattachement. Ceci afin d’éviter les désagréments, des sanctions administratives, pécuniaires et/ou des suites judiciaires qui pourraient en découler.

En novembre dernier, le DG de Camwater a même dénoncé la complicité des agents de l’entreprise dont il tient les rênes dans les fraudes qui atteignent des proportions inquiétantes dans les métropoles du pays.

Pour le Dg de la Camwater, « Les solutions sont connues. On parle de synchronisation ; il faut découper les zones pour pouvoir les maîtriser. Il faut maintenant les digitaliser. C’est pour cela que Camwater s’en va faire de la digitalisation à la fois pour avoir les centres techniques pour contrôler les réseaux de distribution, pour contrôler les réseaux qui vont devenir intelligents pour une meilleure facturation et les techniques de fuite pour les réparer rapidement. Il faut dire aussi que nous avons trouvé une nécessité pour avoir une alliance autour de l’eau. Que les consommateurs véreux soient beaucoup établis dans les mentalités favorables sur le système d’approvisionnement de l’eau qui est suffisamment supporté par l’Etat. Il faut qu’au-delà des infrastructures, chacun puisse être un bon consommateur, un bon partenaire pour que le système d’approvisionnement en eau soit solidaire ».

Vaincre les vieux démons

Il est évident que Blaise Moussa est arrivé dans une entreprise dans laquelle certaines mauvaises habitudes étaient déjà bien installées. Féru du travail bien, il s’applique à instaurer dans cette entreprise, des valeurs gage de réussite. C’est ainsi qu’il a pris des mesures drastiques contre l’absentéisme au travail, un fléau qui touche l’entreprise chargée de la production et de la distribution d’eau potable au Cameroun. C’est qu’il avait constaté que plusieurs employés étaient absents sans justificatif de leurs postes de responsabilité. Il a alors instruit ses collaborateurs du siège à Douala de procéder à une vérification de la présence effective du personnel en poste. Les résultats ont révélé un nombre important d’agents hors de l’enceinte du siège, sans justification.

Face à cette situation, le Directeur Général de la CAMWATER a décidé d’ouvrir des dossiers disciplinaires pour les agents concernés. Cette résolution vise à mettre fin aux mauvaises pratiques professionnelles et à redresser la structure en charge de la distribution de l’eau potable au Cameroun. L’absentéisme au travail est un problème majeur pour les entreprises, car il perturbe leur fonctionnement et engendre des coûts de remplacement élevés pour l’employeur.

L’absentéisme a plusieurs impacts directs sur les entreprises publiques comme la CAMWATER, tels que la perturbation du fonctionnement, l’augmentation de la charge de travail des autres salariés, la baisse de productivité, la baisse de rentabilité, les retards sur les projets, la détérioration du climat social et le stress supplémentaire pour les autres salariés. La démarche du Directeur Général de la CAMWATER vise à redresser et à redynamiser l’entreprise en pleine mutation.

Projets

Pour le Dg de la Camwater, le Cameroun devrait améliorer de manière significative l’offre en eau potable au cours des trois prochaines années, à travers la réalisation d’importants projets de production et de distribution d’eau annoncée par le chef de l’Etat camerounais Paul Biya. Projets sur lesquels est adossé le programme prioritaire quinquennal d’investissement de la Cameroon waters utilities corporation.

Ainsi, la Camwater brille aussi par ses investissements. 3,5 milliards. C’est l’enveloppe qui va servir à réhabiliter 04 forages en vue d’améliorer la desserte en eau potable dans la ville de Douala. Tel est le but visé par la convention qu’a signé le 15 novembre 2022, le Directeur général de la Cameroon water utilities corporation (Camwater), Blaise Moussa avec le PDG du groupe danois Delphi, Holger Laenkholm. Le projet, qui avait huit mois pour être réalisé, permettra non seulement d’améliorer significativement le système de traitement d’eau, mais aussi d’accroître le taux de production en eau potable dans les quartiers Bonamoussadi, Makepe, Logpom, Logbessou et Bonangang dans la commune de Douala 5ème. Les forages réparés produisant un total de 100 m3/h réduiront considérablement la pression et la demande sur le système général d’approvisionnement en eau de la ville de Douala.

En outre, l’un des plus grands projets en attente de finalisation, c’est le Projet d’alimentation en eau de la ville et ses environs à partir du fleuve Sanaga (PAEPYS) qui devra fournir 300 000 à 400 000 m3 d’eau par jour.

En ce qui concerne, les infrastructures de production, elles fonctionnent sur l’ensemble du périmètre concédé et tous les leviers pour un retour de tous les partenaires ont été réactivés. Sur le plan de la coopération, l’on note le retour massif desdits partenaires. C’est dire que la crédibilité de la CAMWATER est en hausse.

L’entreprise est en train de redécoller et jusqu’ici, le moral des agents est au beau fixe au regard du climat social apaisé. En effet, le dialogue est permanent dans un cadre de concertation ouvert et convivial à chaque leader socio-professionnel. Car il est également question de mettre en valeur le salarié de la CAMWATER qui se trouve être également au cœur des priorités par l’amélioration du cadre et des conditions de travail.

Blaise Moussa en bref 

Blaise Moussa n’est pas un inconnu de l’espace public. Inspecteur principal des impôts, diplômé de l’École nationale d’administration et de magistrature (Enam), il occupait depuis le 13 mars 2019, le poste de directeur des affaires générales au ministère de la Fonction publique et de la Réforme administrative (Minfopra). Ce dernier rejoignait ainsi l’administration centrale après un long bail à l’Agence des normes et de la qualité (Anor), dont il fut le directeur administratif et financier, puis à la Fédération camerounaise de football (Fecafoot), dont il a été le secrétaire général entre janvier 2016 et septembre 2017.

Militant du RDPC, au pouvoir, ce cadre du ministère des Finances, originaire de la région forestière et minière de l’Est du Cameroun, est par ailleurs membre du Conseil régional, au sein duquel il occupe le poste de président de la commission des finances. Blaise Moussa, né le 21 mai 1974 à Betaré Oya, était aussi jusqu’à son remplacement le tout premier président du Conseil d’administration (PCA) de la Société nationale des mines (Sonamines), bras séculier de l’État dans le domaine de la mine solide.

                                                           Zéphirin Koloko

Suivez nous