Yaoundé, Cameroun : leçons sur l’initiative « la Ceinture et la Route »
Les étudiants ainsi que de simples citoyens intéressés par la problématique de la coopération sino-camerounaise se sont aussi imprégnés de cette initiative, beaucoup connue sous sa version anglaise « Belt and Road » initiative (BRI), lancée en 2013 par le président chinois, Xi Jinping, au lendemain de son arrivée au pouvoir en 2012. L’intérêt de cette initiative organisée par le magazine d’informations, Actu Chine-Cameroun (ACC), a été salué à l’unanimité par toutes les parties prenantes. Ceci notamment du fait de la qualité des communications des experts invités à décrypter les différents sous thèmes retenus.
L’intérêt de l’initiative « la Ceinture et la Route »
L’implication des pays africains dans l’initiative chinoise « la Ceinture et la Route » est appréciée. En effet, la plupart des pays africains ont saisi la pertinence et la plus-value de ce projet dans leur dynamique de développement recherché. Cette initiative vise précisément à renforcer les liens commerciaux entre la Chine, l’Asie, l’Europe, l’Afrique et d’autres régions du monde, notamment en améliorant les infrastructures dans le domaine de transports routiers et maritimes. C’est une opportunité pour l’Afrique d’améliorer concrètement ses infrastructures et bénéficier des financements de la Chine. En ce qui le concerne, le Cameroun a signé en mai 2023, un accord avec la partie chinoise pour le financement à hauteur de plus de 18 000 milliards de FCFA pour la mise en œuvre de sa Stratégie nationale de développement à l’horizon 2020-2030 (SND30). Des retombées de projet pour le Cameroun sont évidentes à tous égards.
Ainsi, dans le domaine de la formation, en l’occurrence, le nombre de bourses octroyées par la partie chinoise aux Camerounais est en augmentation constante. Ce volet est perceptible depuis 2018, dans plusieurs domaines importants comme la médecine, d’après le Dr Oumar Moussa, directeur du Centre d’analyses stratégiques par intérim au ministère des Relations extérieures du Cameroun. C’est d’ailleurs lui, qui a ouvert la conférence internationale de Yaoundé au nom du ministre Lejeune Mbella Mbella. Appréciant l’initiative du magazine ACC, il a souligné que celle-ci contribue à donner plus de visibilité à la coopération exemplaire entre les deux parties, camerounaise et chinoise.
Dans le déploiement de l’initiative « la Ceinture et la Route », il y’a bien évidemment des défis qu’il faut relever, tant par la Chine elle-même que par l’Afrique. A cet égard, pour le Professeur Stéphane Ngwanza, directeur adjoint de l’Institut des relations internationales du Cameroun (IRIC), l’un des principaux challenges est la protection de l’environnement. Notamment parce que la construction d’infrastructures d’envergure provoque souvent des dégâts environnementaux importants. Donc, il faut que, insiste l’universitaire camerounais, l’Afrique soit assez vigilante dans ce domaine et dans les négociations avec la partie chinoise. Entendu que dans tout partenariat, chacune des parties vient défendre ses intérêts.
Cependant, entre l’Afrique et la Chine, le vocable du partenariat gagnant-gagnant est régulièrement avancé. Eu égard à ses investissements en Afrique et au Cameroun en particulier où elle est quatrième investisseur, la Chine n’est pas seulement un partenaire stratégique pour le Cameroun mais davantage pour l’ensemble des pays africains. L’Empire du Milieu s’est imposé en principal partenaire commercial africain depuis plusieurs années. A titre d’exemple, les échanges commerciaux entre la Chine et les pays africains pour la seule année 2022, s’élevait à plus de 282 milliards de dollars américains. Et pour les trois premiers mois de l’année 2023, il y’a une augmentation de plus de 1,5 milliard de dollars américains. Ces données constituent la preuve du dynamisme dans la coopération sino-africaine et cela stimule également la croissance sur le continent africain.
Entre la Chine et l’Afrique, une longue histoire de solidarité et fraternité
L’un des points importants mis en exergue par l’initiative « la Ceinture et la Route » est aussi les relations d’amitié séculaires entre les deux parties. La leçon inaugurale déroulée par le Professeur Nkolo Foe, philosophe camerounais, membre du Comité consultatif de l’Institut Chine-Afrique, basé à Beijing en Chine, retrace de manière exhaustive ces liens qui existent entre la Chine et l’Afrique et qui constituent une longue histoire de solidarité, d’amitié, de fraternité forgée dans la lutte contre l’impérialisme. D’après le professeur titulaire des universités, sans remonter très loin dans l’histoire, on peut citer comme référence, le début du XXe siècle l’époque à laquelle la Chine se battait contre les invasions étrangères, européennes et américaines en l’occurrence. Cette époque est surtout connue sous le nom de « Révolte des boxeurs ».
A cette époque-là justement, les soldats noirs américains sous l’impulsion d’un évêque méthodiste noir nommé Henry Turner avait refusé de participer à l’agression contre la Chine. Cette histoire de solidarité sino-africaine s’est poursuivie dès les années 1920, avec la création du Parti communiste chinois (PCC) en 1921 à Shanghai dans le cadre de la ligue contre le colonialisme et l’impérialisme. Il s’agit d’une organisation créée à l’instigation de la 3e internationale pour inciter les mouvements communistes à se solidariser avec les peuples en lutte contre le colonialisme et l’impérialisme. C’est à cette époque-là que les grands fondateurs de l’African National Congress (ANC) s’étaient solidarisés avec les autres peuples d’Asie, donc la Chine, et l’Afrique.
C’est dans ce cadre que Saly Hadj, Goumedé et quelques autres avaient rencontré à Bruxelles la veuve de Sun Yat Sen, le fondateur de la République de Chine. La solidarité sino-africaine a continué dans le cadre de la conférence afro-asiatique de Bandung en 1955. Au cours de celle-ci, la politique de non alignement a été adoptée. Depuis lors, les deux parties partagent des valeurs communes. Cette conférence a joué un très grand rôle dans la libération de l’Afrique. Zhu Enlai, alors premier ministre et ministre des Affaires étrangères de la République populaire de chine avait joué un rôle important, avec comme point d’orgue de le déclenchement du processus des indépendances des pays africains.
Défis à relever
La Chine ne se positionne pas en donneuse de leçons aux autres dans sa diplomatie. Cette manière de procéder laisse une bonne marge de manœuvre. « L’occident doit laisser aux Africains la liberté de choisir avec qui coopérer ou avec qui ne pas coopérer. Les autres puissances du monde n’ont pas à dicter un choix à l’Afrique », affirme le Pr Nkolo Foe, qui estime que l’autre défi qui se pose à l’Afrique aujourd’hui, c’est de comprendre le message de la Chine, traduit par le fait que les pays du sud global ne sont pas condamnés à la misère, à la pauvreté.
« Et d’ailleurs quand vous visitez la Chine, la première chose que les Chinois disent aux Africains, c’est venez voir ce que nous faisons, faites comme nous, vous êtes capables aussi de sortir vos peuples de la misère et de la pauvreté. Les Chinois sont convaincus que plus les peuples ne sont nombreux sur le chemin de la prospérité, mieux ça vaut pour la paix et la stabilité du monde. Le monde est instable parce qu’il y’a une minorité des riches et une grand majorité des pauvres. Donc la Chine veut stabiliser le monde par la prospérité partagée », a souligné l’historien camerounais. Autrement dit, pour la Chine, il vaut mieux que les richesses du monde soient partagées, pour grantir la paix et la stabilité dans le monde.
Pierre CHEMETE, journaliste camerounais.