Cameroun : Corruption, violation des procédures… Ces maux qui minent le foncier dans l’Océan

Le département est en proie à un appétit de terre sans précédent depuis quelques années. L’administration locale essaie, tant bien que mal, de trouver des pistes de solutions.

Cameroun : Corruption, violation des procédures… Ces maux qui minent le foncier dans l’Océan
Le mindcaf, Henri Eyebe Ayissi. ©DR HN.

Le 10 juillet 2023, le ministre des domaines, du cadastre et des affaires foncières, signait un arrêté portant constat de nullité d’ordre public de 127 titres fonciers établis dans la zone impactée par le projet d’exploitation du fer de Lobé. Il est allé plus loin en précisant dans une note à ses collaborateurs que « les procédures d’immatriculations directes, sollicitées sur le même site, en violation des dispositions réglementaires, sont définitivement suspendues, de même que l’ensemble des dossiers techniques y relatifs est frappé de nullité » .

Par cet acte, Henri Eyebe Ayissi donnait un coup de pied dans la fourmilière du foncier à Kribi, remettant ainsi au goût du jour les questions de corruption qui secouent ce milieu, il y’a fort longtemps. Car, faut-il le rappeler, la question de l’immatriculation foncière dans l’Océan est une pieuvre à mille tentacules. Le cas de la zone du projet de fer de Lobé dans les arrondissements de Kribi 1er, Lokoundje et Campo, loin d’être un cas isolé, se présente comme l’arbre qui cache la forêt de plaintes et de réclamations.

 Le département de l’Océan fait face à de nombreux problèmes liés au foncier. Le délégué départemental des domaines, du cadastre et des affaires foncières, Éric Emmanuel Meke Meke, a énuméré quelques uns au cours d’un exposé, à l’occasion du comité de coordination administrative tenu à Fifinda, chef-lieu de l’arrondissement de Lokoundje, le 03 août dernier. Il s’agit de : la violation flagrante des règles de procédures en matière foncière et domaniale ; le laxisme de certaines commissions consultatives ; l’attitude peu parfaite des agents chargés de conduire les procédures d’immatriculation sur le terrain et au bureau ; l’ignorance par certains requérants des procédures en matière foncière et domaniale ; la présence dans les procédures foncière et domaniale d’une catégorie de personnes appelée « financiers » profitant de la vulnérabilité des collectivités coutumières et de leurs membres ; la dissimulation volontaire de la vérité aux agents de l’État en charge du traitement des dossiers par la majorité des acteurs intervenant dans la chaîne du foncier ; la cupidité de certains acteurs dans les procédures foncière et domaniale ; l’inefficacité du contrôle préalable des documents techniques et administratifs par les responsables du Mindcaf et des autres administrations.

Non-respect de la loi sur l’immatriculation foncière

 

L’immatriculation directe porte sur les terres exploitées ou occupées du domaine national. Il s’agit des terrains sur lesquels les occupants ne disposent d'aucun titre (ce qui n’est pas le cas de l’immatriculation indirecte faite par indivision là où il existe déjà un titre foncier). Cette pratique, qui a pignon sur rue à Kribi, est réglementée par le décret n°76/165 du 27 avril 1976, fixant les conditions d’obtention du titre foncier, modifié et complété le décret 2005/481 du 16 décembre 2005. 

Les termes de l’article 9 de cette loi éclairent sur les personnes habilitées à obtenir un titre foncier et les modalités de gestion du domaine national. Ils stipulent que « sont habilités à solliciter l’obtention du titre foncier sur une dépendance du domaine national qu’elles occupent ou exploitent : les collectivités coutumières, leurs membres ou toutes personnes de nationalité camerounaise, à condition que l’occupation ou l’exploitation soit antérieure au 05 août 1974 », date de publication de l’ordonnance du 06 juillet 1974, fixant le régime foncier au Cameroun.

Dans de nombreux cas, les dispositions légales sont foulées au pied par les acteurs commis pour leur application. Les 127 titres fonciers frappés de nullité en sont la parfaite illustration. Les titres de propriété en question ont été dressés, pour certains, dans des forêts primaires. Une source dans l’administration avoue que « certains allaient au-delà des limites naturelles telles que les cours d’eau. »

Des pistes de solutions

 

Au regard de tous ces goulots d’étranglement, des pistes de solutions ont été proposées pour une sortie de crise. Désormais, l’engagement à la transparence de tous les acteurs de la chaîne du foncier doit être le fil d’Ariane de chaque procédure d’immatriculation. Qu’ils s’agissent des agents de l’État, des propriétaires coutumiers ou de la société civile, tous, sont appelés à faire preuve d’honnêteté à l’échelle de leurs responsabilités. Aussi, l’intensification de la vulgarisation et la communication sur les textes réglementaires qui encadrent le foncier ont été retenus comme des vecteurs de clarté au niveau procédural.

Par ailleurs, le retour à l’orthodoxie des commissions consultatives en tant que responsables en chef de la gestion du domaine national a été plébiscité. En effet, ces commissions sont celles qui attestent de la mise en valeur des terres dans le cadre des procédures d’immatriculations directes. La mise en valeur, condition sine qua non pour l’obtention d’un titre de propriété, se présente généralement sous forme de constructions, de cultures, de pâturages, d'industries etc. Les rapports de ces commissions établis sur la base d’informations erronées sont à l’origine de plusieurs recours.

Suivez l'actualité de Haurizon News sur