Cameroun: L’impératif de la paix dans un contexte électoral tendu
Zephirin Koloko vous propose ce jour sa tribune libre sur l’impératif de la préservation de la paix. Peuple Camerounais. Ne brûlez rien… Ne cassez rien …Ne violentez personne. En brûlant les infrastructures, le peuple est le premier perdant.

À mesure que le processus électoral s’achemine vers son terme, une tension palpable semble s’installer dans plusieurs villes du Cameroun. Bafoussam, Bafang, Dschang — théâtre d’actes de vandalisme inédits, allant jusqu’à l’incendie du palais de justice et de la permanence locale du Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais (RDPC) — mais également Garoua et Kousseri, enregistrent des mouvements de contestation qui prennent une tournure préoccupante. Au centre de cette effervescence : des accusations de manipulation des procès-verbaux électoraux portées contre Elections Cameroon (Elecam), soupçonné de favoriser le candidat sortant, Paul Biya.
Dans un contexte où les réseaux sociaux amplifient les appels à la désobéissance civile, voire à l’insurrection, il convient, plus que jamais, d’en appeler à la raison, au discernement, et à la préservation de la paix — ce bien commun sans lequel aucun progrès n’est possible.
Une démocratie encadrée par la loi
Le Cameroun, État souverain régi par des lois et des institutions, a mis en place un dispositif électoral qui, malgré les critiques, reste l’un des piliers de sa stabilité. L'organe en charge de l'organisation des scrutins, Elecam, vient d'instituer la Commission nationale de recensement général des votes, présidée par le magistrat Émile Essombe. Cette structure, inclusive par essence, réunit des représentants de tous les partis politiques engagés dans la compétition électorale, y compris celui d’Issa Tchiroma Bakary, farouche opposant au pouvoir.
La présence des mandataires de chaque candidat au sein de cette commission constitue une garantie de transparence et de vérifiabilité des opérations. Chaque membre y défend, au nom de son camp, l'intégrité du scrutin. Ainsi, tout recours ou irrégularité alléguée peut trouver sa voie dans les mécanismes légaux prévus, sans qu’il soit nécessaire d'en appeler à la rue ou à la violence.
Le désir de changement : un droit légitime, pas une justification à l’anarchie
Personne ne saurait contester la légitimité du désir de changement dans une démocratie. Mais celui-ci ne peut, en aucun cas, justifier des actes de violence, de destruction ou de confrontation avec les forces de l’ordre. Ce qui se joue actuellement, c’est moins la victoire d’un camp sur un autre que la préservation d’un patrimoine commun : le Cameroun.
Lorsque des édifices publics sont incendiés, lorsque des biens sont détruits, lorsque la cohésion nationale est mise à mal, c’est la nation tout entière qui en pâtit. Les séquelles des affrontements fratricides sont durables et profondes. L’Histoire, en Afrique et ailleurs, regorge de leçons tragiques à cet égard. Il ne s’agit pas seulement de reconstruire des bâtiments après les casses, mais de retisser un tissu social que les violences fissurent durablement.
Un appel à la responsabilité collective
À l’heure où le Conseil constitutionnel s’apprête à proclamer les résultats officiels, l’heure est à l’apaisement, non à l’escalade. Les acteurs politiques, dans leur diversité, ont la responsabilité historique de privilégier le dialogue à l’affrontement, la pédagogie citoyenne à l’incitation à la révolte.
Les autorités administratives, les leaders religieux, les chefs traditionnels, la société civile, mais aussi les parents, les intellectuels, la diaspora — tous doivent se lever comme un seul homme pour dire non à la violence. La paix n’est pas l’affaire exclusive de l’État ou des forces de l’ordre : elle est l’affaire de tous.
Le Cameroun appartient à ses 25 millions de citoyens, et nul ne doit se sentir exclu de sa destinée. Quel que soit le vainqueur proclamé à l’issue du processus, il devra gouverner avec et pour tous. L’avenir du pays ne peut se construire dans la haine et la division, mais dans la collaboration, le dialogue et la co-construction démocratique.
Rien ne dépasse la paix
Dans cette période charnière, il faut marteler cette vérité simple mais essentielle : rien ne dépasse la paix. C’est sur elle que reposent la justice, le développement, la dignité et l’espoir. Ceux qui, aujourd’hui, appellent à la violence prennent la lourde responsabilité d’hypothéquer l’avenir de tout un peuple.
Le Cameroun a, par le passé, su traverser des tempêtes. Il peut, aujourd’hui encore, faire montre de maturité, de résilience et de grandeur. Mais cela suppose un sursaut collectif, une volonté partagée de taire les rancœurs pour faire prévaloir l’intérêt supérieur de la Nation.
Il est temps de se souvenir que, quelle que soit l’issue d’un scrutin, nous resterons Camerounais avant tout.
Par Zephirin Koloko, Président de la Mutuelle des Journalistes et Associés du Cameroun (MUJAC)