Cameroun : à Douala, un appel national contre les violences faites aux femmes lancé
La Conférence nationale sur la lutte contre les violences faites aux femmes, organisée dimanche 23 novembre à Douala par la députée de Wouri-Est, l’Honorable Nourane Fotsing, dans le cadre du mouvement “Solidarité 237 contre la violence faite aux femmes”, a réuni élues, expertes, militantes, administration et société civile. L’initiative s’inscrit dans la dynamique des 16 jours d’activisme, du 25 novembre au 10 décembre, période mondiale de mobilisation contre les violences faites aux femmes et aux filles.
Au cœur des échanges, un constat alarmant : les violences basées sur le genre restent massives et multiformes au Cameroun, dans un contexte où près d’une femme sur deux déclare avoir subi une forme de violence au cours de sa vie et où les féminicides connaissent une recrudescence préoccupante. Les panels ont rappelé que ces violences vont des coups visibles aux humiliations quotidiennes, de la domination économique aux agressions en ligne, avec des conséquences durables sur la santé physique, mentale et sociale des victimes.
L’écrivaine engagée Djaïli Amadou Amal a mis l’accent sur l’urgence de réagir dès les premiers signes : insulte, gifle, dénigrement, autant d’alertes qui ne doivent plus être banalisées. Elle a dénoncé la progression des féminicides et des mariages précoces et forcés, soulignant le paradoxe d’une société qui discute du sujet depuis des décennies sans faire reculer réellement la violence. Son message à l’adresse des femmes est clair : identifier la violence, refuser la résignation, partir avant de devenir un simple numéro de plus dans les dossiers de féminicide.
L’Honorable Nourane Fotsing a, pour sa part, élargi le champ de la réflexion à la violence symbolique et institutionnelle : mots humiliants, disqualification des compétences féminines, haine en ligne, mais aussi discriminations dans la tradition, au travail et dans l’administration. La députée a rappelé que ces violences touchent aussi fortement les femmes vivant avec un handicap, souvent invisibilisées, et a revendiqué une conférence inclusive donnant la parole à des profils variés pour briser le déni social. Elle a insisté sur le rôle des médias, invités à relayer ces témoignages pour aider les victimes à mettre un nom sur ce qu’elles subissent et à chercher de l’aide.
L’ancienne députée Marlyse Tongo Douala Bell a analysé le poids des normes coutumières dans la construction de l’infériorisation des femmes, de la naissance au veuvage. Entre préférences accordées aux garçons, pressions familiales lors du mariage et pratiques déstabilisantes au moment du deuil, elle a montré comment certaines traditions peuvent devenir un terrain fertile pour les violences psychologiques et matérielles. Elle plaide pour que les communautés, loin d’être stigmatisées, deviennent des alliées dans la transformation des mentalités et l’insertion pleine et entière des femmes dans le développement.
Le délégué régional du ministère camerounais de la Promotion de la Femme et de la Famille pour le Littoral, Caroline Gisèle Ekoh, a rappelé que la conférence se tient à la veille du lancement régional et national de la 19e édition de la campagne des 16 jours d’activisme, axée cette année sur la lutte contre la violence numérique faite aux femmes et aux filles. Elle a évoqué un fléau « prioritaire », dans un pays où plus de 40% des femmes en union déclarent subir des violences conjugales et où les cas de féminicides se multiplient depuis plusieurs années.
L’État, a-t-elle souligné, ne peut y faire face seul : il a besoin du concours des ONG, OSC, associations et collectifs citoyens pour la prévention, l’accompagnement des survivantes, la prise en charge psychosociale et le plaidoyer législatif.
En filigrane, cette conférence de Douala apparaît comme un maillon d’une mobilisation plus large : celle qui pousse vers l’adoption d’une loi spécifique contre les violences basées sur le genre, vers le renforcement de la protection des victimes et vers un changement profond des représentations.
Les intervenantes ont appelé à transformer l’indignation en actions concrètes : signalement systématique des cas, soutien aux survivantes, éducation des garçons et des filles à l’égalité, et pression accrue sur les institutions pour qu’elles cessent de banaliser ces crimes.
Pour les organisatrices, la bataille se joue désormais autant dans les salles de conférence que dans les foyers, les chefferies traditionnelles, les tribunaux, les écoles et les plateformes numériques : c’est à ce prix que les femmes camerounaises pourront, un jour, vivre sans craindre que la violence ne décide de leur destin.






