Claudel Noubissie : du rêve africain à la désillusion – l’ascension et la chute du “docteur de l’entrepreneuriat”
Il se disait porteur d’une mission : réveiller la jeunesse africaine, bâtir des industries locales et prouver que le Cameroun pouvait produire ses propres marques. Pendant des années, le docteur Claudel Noubissie a incarné la réussite made in Africa : conférences pleines à craquer, levées de fonds record, présence médiatique étourdissante. Mais derrière le charisme et les slogans inspirants, un empire s’est effondré. Voici l’histoire d’une ascension spectaculaire… et d’une chute brutale.
Du médecin au visionnaire
Avant d’être une icône médiatique, Claudel Noubissie était médecin diplômé de l’Université des Montagnes. Plutôt que de s’enfermer dans une carrière stable, il choisit la voie de l’entrepreneuriat.
En 2015, il cofonde SOS Médecins Cameroun, une plateforme de télémédecine novatrice. Mais face à la misère de ses patients, il comprend que la vraie maladie du pays n’est pas biologique : c’est la pauvreté.
Il décide alors de soigner autrement — non plus les corps, mais les mentalités.
La naissance du mythe : la Startup Academy
En 2016, Claudel lance la Startup Academy, un centre de formation pour jeunes Africains sans emploi. Sa mission : transformer la jeunesse en entrepreneurs indépendants.
« L’art d’innover sans diplôme. »
Ce slogan devient viral et trouve un écho immense dans une Afrique fatiguée d’attendre des solutions extérieures. Les conférences se multiplient, les foules se pressent, les jeunes le vénèrent. Le “docteur Claudel” devient un symbole d’émancipation économique.
Un empire aux mille projets
Fort de son succès, il fonde la holding Startup Group, regroupant ses multiples entreprises :
- Startup Color – fournitures scolaires
- Startup Food – chocolat camerounais
- Startup Cosmétique – produits de soin africains
- Startup Music, Startup Fitness et d’autres encore
Mais la plus ambitieuse de toutes reste Sur Mesure, sa marque de vêtements et chaussures “made in Cameroun”. Claudel ouvre des boutiques, fonde un centre d’affaires à Yaoundé — le Noubissie Resource Center — et un showroom baptisé La Vitrine.
Son influence dépasse l’entrepreneuriat : il écrit des livres, sort un album, crée un club d’investissement et lance la Tontine Structurelle Africaine. Tout semble possible.
L’envol financier
En 2021, Claudel franchit une nouvelle étape : industrialiser le Cameroun. Il lève près d’un milliard de francs CFA auprès de centaines d’investisseurs, promettant des rendements jusqu’à 50 % en 12 mois.
Les projets s’annoncent titanesques : usine textile, production de chocolat, Smart City, centres de formation… Mais sur le terrain, rien ne sort de terre. Les investisseurs s’impatientent, les promesses se font floues, et les comptes ne s’équilibrent plus.
Le début de la chute
Entre 2022 et 2023, les plaintes affluent. Des investisseurs affirment ne pas avoir récupéré leur argent. Les locaux sont scellés, les comptes bloqués, les salariés impayés.
Accusé d’abus de confiance et d’escroquerie, le docteur Claudel devient la cible des critiques. Dans une vidéo intitulée À cœur ouvert, il reconnaît les difficultés mais accuse les investisseurs de ne pas avoir “joué le jeu”.
Le ton change. L’aura s’effondre.
L’empire du paraître
Ce qui a détruit Claudel Noubissie n’est pas seulement la mauvaise gestion — c’est le culte de l’image. Son empire reposait sur sa personne : il était à la fois le produit, le garant moral et la vitrine.
Quand son image s’est fissurée, tout le système s’est écroulé. Les entreprises manquaient de modèles économiques solides, les revenus réels étaient minimes, et les levées de fonds servaient à combler les dettes plutôt qu’à produire.
Claudel a bâti un système circulaire, fondé sur la confiance et le charisme — mais pas sur la transparence ni la rentabilité.
Une leçon pour l’Afrique
Cette chute dépasse le cas individuel : c’est le symptôme d’une époque. Une époque où la visibilité sur les réseaux sociaux tient parfois lieu de crédibilité.
- L’image ne remplace pas la rigueur,
- Les likes ne remplacent pas les bilans,
- Un leader inspirant n’est pas un système à lui seul.
L’entrepreneuriat ne doit pas se bâtir sur le culte d’une personnalité, mais sur des structures solides, une comptabilité claire et une éthique durable.
Conclusion
Le docteur Claudel Noubissie a voulu transformer l’Afrique. Il a su inspirer une génération, mais s’est peut-être laissé piéger par son propre rêve.
« Échouer, c’est apprendre. Tomber, c’est se préparer à se relever. »
Son histoire est une leçon. À nous de la comprendre — pour bâtir une Afrique qui crée, qui produit, et qui apprend de ses héros déchus.






