Cameroun : l’Ordre des architectes accueille cinq nouveaux membres après un feuilleton judiciaire
L’assemblée générale ordinaire de l’Ordre national des architectes du Cameroun (Onac) a pris une tournure particulière ce vendredi 21 novembre 2025 dans la salle de conférence André Siaka du Gecam à Douala. Cinq architectes stagiaires, recalés lors de la session de mai dernier, ont finalement prêté serment devant leurs pairs, portant à plus de 400 le nombre d’inscrits au tableau de l’Ordre.
Cette réintégration fait suite à une décision de la Chambre d’appel de l’Onac, instance qui illustre le fonctionnement institutionnel de l’organisation. « Certains sont partis devant la Chambre d’appel et celle-ci a demandé qu’on les réintègre. Nous étions très heureux de les réaccueillir. Nous ne voulons pas les stigmatiser », a expliqué Jean-Christophe Ndongo, président du conseil de l’Onac. Les nouveaux admis de la “Promotion cinquantenaire” ont reçu leurs attestations après avoir juré d’exercer selon le code des devoirs professionnels.
Le ministère de tutelle s’inquiète de l’employabilité
Philippe Kuetché, inspecteur en charge des questions techniques au ministère de l’Habitat et du Développement urbain (Minhdu), représentait la ministre Célestine Ketcha Courtès à la cérémonie. Il a transmis une préoccupation majeure : le nombre grandissant de jeunes architectes face aux difficultés d’insertion professionnelle. « Madame la Ministre a prescrit à l’Onac de mener une réflexion afin de mettre en courant le nombre d’architectes qui vont être inscrits désormais avec la capacité d’absorption du milieu du travail », a-t-il déclaré, tout en saluant la mobilisation massive des professionnels présents.
La tutelle a également insisté sur le respect strict des dispositions du règlement intérieur et apprécié la gestion inclusive du dossier des stagiaires recalés, preuve selon elle du souci de transparence administrative de l’Ordre.
Des défis structurels qui s’accumulent
Jean-Christophe Ndongo a dressé un tableau sans concession des obstacles que rencontre la profession. Premier sujet d’inquiétude : le respect de la loi encadrant l’exercice de la profession. « L’article 2 alinéa 1 dit que nul ne peut exercer la fonction d’architecte si il n’est pas inscrit à l’Ordre. Et l’article 16 interdit à un architecte de donner du soutien à quelqu’un qui n’est pas architecte », a-t-il rappelé, dénonçant les pratiques où des architectes signent pour des bureaux d’études techniques.
Le président du conseil de l’Ordre pointe particulièrement l’État, “grand pourvoyeur de travail”, qui ne consulte pas systématiquement les architectes pour les projets relevant de leur compétence. « Tous ceux qui ne font pas se mettent contre la loi, donc deviennent hors la loi. Nous avons déjà écrit plusieurs fois au MINMAP à ce sujet et demandé une audience aux plus hautes autorités », a-t-il martelé.
La prolifération anarchique des écoles dans le viseur
Autre chantier urgent : la régulation de la formation. Si seulement trois écoles sont officiellement reconnues au Cameroun, une vingtaine fonctionneraient actuellement. L’Onac a sollicité du ministère de l’Enseignement supérieur la liste officielle des établissements habilités. « On crée des écoles en cours du soir à Douala, des écoles où on veut accepter les ingénieurs en génie civil en master pour qu’ils viennent faire des masters en architecture. Nous disons non, on ne l’acceptera plus », a tranché Jean-Christophe Ndongo.
L’Ordre entend vérifier que les établissements respectent les trois critères exigés par l’Union internationale des architectes et l’UNESCO : locaux appropriés, enseignants qualifiés et programmes conformes. La formation doit durer cinq années (licence et master) suivies de deux ans de stage chez des architectes habilités.
Un message aux nouveaux inscrits
Aux cinq architectes fraîchement admis, le président a lancé un appel au réalisme : « Un diplôme n’est pas une fin en soi, c’est un marqueur. C’est parce qu’ils vont travailler sur le terrain qu’ils vont devenir de véritables architectes ». Il les a encouragés à la patience et au respect de la déontologie, promettant que l’Ordre poursuivra son travail de régulation pour que “le travail des architectes revienne aux architectes” et que ces jeunes “puissent prendre toute leur part” dans les projets au Cameroun.






