Poutine et l’Afrique : l’heure de la visite officielle a-t-elle sonné ?

Entre admiration et interpellation, un citoyen africain adresse une lettre ouverte au président russe Vladimir Poutine. Marcien Essimi, directeur de publication d’AFRIQUE54, salue le peuple russe et reconnaît l’influence grandissante de Moscou sur le continent, mais pose une question dérangeante : pourquoi cette présence reste-t-elle si discrète, si opaque, voire nocturne ?

Derrière les contrats militaires et les groupes privés, où sont les gestes concrets, les investissements sociaux, les visites officielles ? Cette tribune, à la fois respectueuse et lucide, appelle la Russie à sortir de l’ombre et à bâtir une coopération authentique avec l’Afrique — non par les armes ou la ruse, mais par la culture, la science et la solidarité.

Lettre ouverte à Vladimir Poutin

A quand votre première visite officielle en Afrique ?

Excellence Monsieur le Président Poutine,

J’ai l’honneur de venir très respectueusement auprès de votre très haute personnalité pour me livrer à cette envolée épistolaire,  pour, en tant que citoyen africain et du monde, attirer, avec votre permission, votre attention, à cœur ouvert, sur la présence russe en Afrique et son influence.

L’Ours du Kremlin — comme on vous surnomme souvent — est présenté aux yeux du monde comme « un vrai ami de l’Afrique ». Pourtant, à côté de cette réputation flatteuse, vous n’êtes encore jamais venu officiellement sur le continent africain. Les discours, eux, sont nombreux. Mais les gestes concrets et symboliques, beaucoup moins.

Un constat, les entreprises russes sont froides quand il s’agit de soutenir par exemple les initiatives sportives africaines. Là où d’autres nations encouragent nos jeunes talents, en investissant dans les infrastructures ou les compétitions, la présence russe reste timide. Seules les sociétés de paris sportifs, qui plongent certains de nos jeunes dans les mirages du hasard, semblent actives. Triste ironie pour un pays qui se dit proche de l’Afrique.

Cher Président Poutine,

Sur le plan social et sociétal, le constat est similaire. Les entreprises russes s’affichent rarement dans les projets éducatifs, sanitaires ou communautaires. Pourtant, certaines font d’énormes profits grâce à l’exploitation du gaz ou d’autres ressources, comme au Cameroun. Où vont ces richesses, Président Poutine ? Pourquoi ne voit-on pas les fruits sur le terrain ?

Alors, permettez cette question après  la déclaration du porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, qui nous informait à travers TASS de  votre absence au sommet du G20 en Afrique du Sud qui vous a pourtant invité. Venez-vous en Afrique seulement dans la nuit, et jamais le jour ? Est-ce vraiment une preuve de considération ou non pour les Africains ?

Votre influence semble se dessiner seulement dans les coulisses — à travers des contrats opaques, des alliances militaires et des groupes de sécurité privée — mais votre présence officielle, elle, se fait attendre.

Cher Président Poutine,

J’admire beaucoup le peuple russe. C’est un peuple travailleur, fort, discipliné, fier et courageux. Un peuple forgé par l’histoire. Un peuple qui devrait inspirer les  peuples africains. C’est justement pour cela que nous voudrions vous voir en tournée en Afrique, à Yaoundé, Bamako, Johannesburg, Alger, Addis-Abeba, et pourquoi pas Kinshasa. Venez rencontrer les peuples africains, pas seulement les cercles des accords secrets.

 Mais au lieu de cela, vous nous envoyez des mercenaires, pas votre armée régulière. Payés grassement, certains d’entre eux seraient englués dans le chantage ou les abus de pouvoir. Doit-on penser, par exemple, que le président centrafricain Faustin-Archange Touadéra,  a été suffisamment enfumé par le Groupe Wagner ? Aujourd’hui, on le voit s'évertuer à se rapprocher des mercenaires américains.

Cher Président Poutine,

Il me souvient qu’au forum technique militaire international « Armée 2022 » tenu à Kubinka en Russie, le 15 août 2022,  vous avez fait une déclaration forte pour vanter le poids industriel de votre pays. « Nous sommes prêts à proposer à nos alliés et partenaires les types d’armes les plus modernes, des armes d’infanterie aux engins blindés, en passant par l’artillerie, l’aviation de combat ou les drones. Partout dans le monde, (ces armes) sont appréciées par les professionnels pour leur fiabilité, leur qualité et, surtout, pour leur haute efficacité. Elles ont quasiment toutes été employées à maintes reprises dans des conditions de combat réelles. »  Ne nous vendez pas seulement des armes. Allez plus loin en transférant la technologie. C’est la meilleure couleur que vous pouvez donner à la coopération.

J’aime la Russie, Monsieur Poutine. J’admire votre leadership inspirant tout comme celui de Xi Jinping, légende vivante  qui marque son temps et symbolise une Chine Unique forte. J’admire le pragmatisme de Donald Trump ou encore celui de Kim Jong-un, qui, sans jeu de cache-cache, a aidé la Russie à libérer la région de Koursk.  Une Russie, terre des grands hommes comme Sergueï Lavrov ou Piotr Tolstoï.

Je salue le soutien multiforme de la Russie au Cameroun de Paul Biya,  au Mali d’Assimi Goïta, au Burkina Faso d’Ibrahim Traoré, à la RDC de Félix Tshisekedi, à la Guinée Equatoriale de Teodoro Obiang Nguema, à la Centrafrique de Faustin-Archange Touadera.

Il me plairait davantage de voir la Russie en Afrique à visage découvert à travers la culture et la solidarité, et non par la ruse ou les fusils, mais par la science.

Respectueusement.

Yaoundé, le 21 Novembre 2025

Par Marcien ESSIMI,

Un Africain lucide, admiratif, mais en attente d’authenticité

Directeur de Publication de AFRIQUE54

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