Bikutsi : rythme chaud, vies brisées

CHRONIQUE. Après les projecteurs de la Fête de la musique, l’amertume refait surface. Derrière les sons entraînants et les danses endiablées du Bikutsi, ce rythme emblématique du Cameroun, se cache une réalité glaçante : celle d’artistes musiciens précarisés, marginalisés et parfois humiliés dans leur propre pays.

La ronde des cabarets : une quête désespérée

À Yaoundé, chaque week-end, ils sont des dizaines à errer de cabaret en cabaret, guettant une opportunité de monter sur scène. Pas pour la gloire. Pas pour l’art. Mais pour espérer récolter quelques billets de 500 ou 1000 FCFA, offerts du bout des doigts par des clients souvent plus condescendants que généreux.

Le cachet ? Presque inexistant. Le respect ? Encore moins.

Une précarité qui pousse à l’humiliation

Loin des caméras, les artistes Bikutsi se battent pour survivre.

Les hommes, désabusés, se transforment parfois en gigolos, entretenus par des femmes installées en Europe.

Les femmes, elles, tombent dans la prostitution, utilisées et parfois abusées par de soi-disant promoteurs culturels qui se servent de leurs corps à défaut de promouvoir leurs talents.

Un système complice, une industrie absente

Le Bikutsi est riche culturellement, mais pauvrement structuré économiquement.

Les producteurs sont rares, les managers inexistants, et l’industrie musicale camerounaise reste un terrain de débrouillardise.

Les artistes eux-mêmes, parfois désabusés, baissent les bras : négligence vestimentaire, hygiène douteuse, image abîmée… Certains ne se respectent même plus, épuisés de mendier l’attention dans une société qui les a relégués au rang de figurants folkloriques.

Et pourtant... le talent est là

Le Bikutsi, c’est l’âme d’un peuple. Un rythme qui a fait danser l’Afrique et le monde. Mais ses ambassadeurs meurent à petit feu, abandonnés par les pouvoirs publics, snobés par les mécènes, ignorés par les maisons de production.

Il est temps d’agir, de revaloriser ce patrimoine vivant, de dignement encadrer ces artistes qui, malgré la faim, continuent de faire vibrer les scènes de nos nuits.

Par Pharel Ateba

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