Les droits des veuves à l’honneur : une table-ronde poignante à la chefferie du canton Bell
À l’occasion de la Journée internationale des veuves célébrée le 23 juin dernier, la case communautaire de la chefferie supérieure du canton Bell, à Bali dans la ville de Douala au Cameroun, a vibré d’une énergie particulière. Sous l’impulsion de la reine Clarisse Douala Bell, une table-ronde a réuni des femmes veuves de la communauté Sawa autour d’un thème fort : “Les droits de la veuve”.

Dans un élan de solidarité et de sensibilisation, cet événement a mis en lumière les défis auxquels font face les veuves au Cameroun, et plus particulièrement dans la tradition Sawa, tout en proposant des pistes pour leur autonomisation et leur dignité.
Une initiative portée par la compassion
La reine Clarisse Douala Bell, figure emblématique du canton Bell, a orchestré cette rencontre avec un objectif clair : briser le silence autour des souffrances des veuves et les outiller pour faire valoir leurs droits. « Après avoir vu la maltraitance et les atrocités subies par les veuves, j’ai jugé bon d’organiser cette conférence pour les édifier sur leurs droits et leurs devoirs, tant sur le plan juridique que traditionnel », a-t-elle déclaré. Cette initiative, loin d’être un combat, se veut une causerie entre femmes, un espace d’échange pour panser les blessures et restaurer la dignité.
Dans la communauté Sawa, les rites de veuvage, bien qu’ancrés dans la tradition, peuvent parfois être détournés par vengeance ou hypocrisie, comme l’a souligné la reine. Entre abandon par la belle-famille, stigmatisation et pressions psychologiques, les veuves font face à des épreuves qui transcendent le deuil. Cette table-ronde, en réunissant des expertes et des veuves du canton Njo-Njo, a permis d’ouvrir un dialogue franc pour « alléger certaines choses » et plaider pour des réformes auprès des autorités traditionnelles.
Des interventions riches en enseignements
La première intervenante, Georgette Anaba épse Nteme, représentante du délégue régional du ministère de la Promotion de la Femme et de la Famille (Minproff) du Littoral, a posé les bases juridiques de la condition de la veuve. Selon elle, une veuve, au sens de la législation camerounaise, est une femme ayant perdu son conjoint et reconnue comme telle. Elle a insisté sur trois axes majeurs : le respect des veuves. Leur autonomisation et la restauration de leur dignité lors des rites de veuvage. « Il faut garantir aux veuves l’accès à la justice, à l’éducation et un soutien psychosocial », a-t-elle martelé, appelant à des campagnes de sensibilisation pour enrayer la stigmatisation.
La juriste Esther Ngalle Mbonjo, forte de 40 ans d’engagement pour les droits des femmes, a quant à elle abordé la question des règles successorales. Dans la tradition Sawa, la femme n’a pas droit à l’héritage direct, mais elle bénéficie de la liberté de se remarier après 180 jours. Mme Ngalle a vivement recommandé aux veuves de se procurer le Protocole de Maputo, un texte international signé par le Cameroun, qui consacre leurs droits fondamentaux. « Ce document est une arme pour vous », a-t-elle lancé, exhortant les participantes à s’en approprier.
Enfin, Dora Siké Soppo, ancienne veuve aujourd’hui remariée, a partagé son témoignage poignant. Avec émotion, elle a appelé à mettre fin à la manipulation des veuves et à leur garantir le respect qu’elles méritent. Son vécu a résonné comme un appel à la résilience et à la solidarité.
Un élan de solidarité et d’espoir
La table-ronde s’est conclue par une séance de questions-réponses animée, permettant aux veuves de s’exprimer et de poser leurs préoccupations. Dans un geste empreint de générosité, la reine Clarisse Douala Bell a offert des cadeaux aux participantes, un symbole de réconfort et de reconnaissance.
Au Cameroun, et particulièrement dans la communauté Sawa, les veuves occupent une place paradoxale. Si la tradition leur impose des rites souvent lourds, elle peut aussi être un espace de reconstruction, à condition que les abus soient corrigés. Cette initiative de la chefferie supérieure du canton Bell, en donnant la parole aux veuves et en les informant de leurs droits, marque un pas vers un avenir où leur dignité sera pleinement reconnue. Comme l’a si bien résumé la reine, « ce n’est pas un combat, c’est une sensibilisation de femmes entre femmes ». Une démarche qui, espérons-le, inspirera d’autres communautés à travers le pays.