Forces Armées Camerounaises, mérites et frustrations : les nominations du 15 juillet 2025 sous le prisme du devoir et des attentes
Le 15 juillet 2025, en sa double qualité de Président de la République et de chef suprême des forces armées, Son Excellence Paul Biya a procédé, conformément à l'article 8 alinéa 10 de la Constitution du 18 janvier 1996, à une série de nominations dans les rangs supérieurs de l'armée camerounaise.

Ce pouvoir régalien, exclusif et non délégable, s’inscrit dans la continuité des prérogatives présidentielles, qui confèrent au Chef de l'État le monopole des décisions stratégiques en matière de défense nationale.
Mais derrière les communiqués officiels et les décrets lus à la CRTV, une sourde grogne s’est fait entendre dans les casernes et les états-majors. À en croire plusieurs sources internes, ces nominations soulèvent, cette fois encore, des interrogations légitimes sur les principes d’équité, de mérite, et d’évolution institutionnelle dans les forces de défense. Trois points cristallisent notamment l’incompréhension.
En premier lieu, le maintien à la tête de l’État-major des armées du général de corps d’armée René Claude Meka, âgé de 86 ans et en poste depuis 2001, apparaît comme un paradoxe. La réforme des armées engagée cette même année prônait pourtant un rajeunissement du haut commandement. Si l’expérience du GCA Meka est indéniable, sa longévité suscite des interrogations sur l’accessibilité des postes de commandement pour les jeunes générations d’officiers, au moment où l'agilité stratégique et la transformation numérique des armées imposent une lecture neuve des défis de sécurité.
En second lieu, la non-promotion au grade de général du Colonel Raymond Jean Charles Beko’o Abondo, commandant de la Garde présidentielle depuis 2013, provoque un désarroi palpable au sein de cette unité d’élite. Figure respectée pour sa loyauté, sa discrétion et son professionnalisme, cet officier aurait, selon plusieurs analystes militaires, réuni toutes les conditions pour franchir le cap du généralat. L'absence de reconnaissance officielle à ce niveau pourrait impacter le moral des troupes placées sous son autorité, et poser la question de la lisibilité des critères de promotion.
Troisième source d’amertume : l’absence totale de femmes dans les promotions au grade de général. À l’heure où les armées du monde intègrent pleinement la parité comme facteur d’efficacité et de justice sociale, le Cameroun semble rester en retrait de cette dynamique. L'exemple canadien, avec la nomination de Jamie Speiser-Blanchet à la tête des forces aériennes, illustre pourtant la valeur stratégique de l’approche genre dans les forces armées contemporaines.
Il convient néanmoins de saluer certaines décisions jugées satisfaisantes, notamment la nomination du général de brigade aérienne Benoît Eba Eba à la tête de l’État-major de l’Armée de l’air. Elle marque un tournant attendu après une période d’inertie opérationnelle symbolisée par l'absence d'aéronefs et de formations adéquates. Toutefois, le sentiment général demeure mitigé, surtout avec l'oubli des officiers de la réserve mobilisable, pourtant porteurs de compétences et d’expériences valorisables.
À moins de trois mois de l’élection présidentielle, ces nominations auraient pu constituer un acte fort de rassemblement autour des valeurs républicaines de mérite, d’équité et de modernité. Rien n’est encore figé. Il reste au sommet de l’État l’opportunité de procéder aux ajustements requis afin de renforcer la cohésion et la confiance des forces armées, socle indéfectible de la stabilité et de la souveraineté nationales.
Par Pharel Ateba