Risque d’embrasement au Cameroun: L’irremplaçable valeur de la paix à l'heure de la présidentielle

CHRONIQUE. Baruch Spinoza nous rappelait avec justesse que "la paix n’est pas l’absence de guerre, c’est une vertu, un état d’esprit, une volonté de bienveillance, de confiance, de justice". Cette sagesse résonne avec une acuité particulière à l’approche de l’élection présidentielle du 12 octobre 2025, alors que le Cameroun traverse une période de turbulences où les discours incendiaires, les intimidations et les appels à l’insurrection menacent de fracturer le tissu social. 

Dans ce climat délétère, une observation s’impose : nombre de ceux qui soufflent sur les braises du chaos le font depuis des terres lointaines, à l’abri des conséquences de leurs appels à la révolution. D’autres, manipulés par des rumeurs et des listes fantaisistes circulant sur les réseaux sociaux, se laissent emporter par une défiance mortifère envers les institutions. Pourtant, une vérité élémentaire devrait nous guider : si le Cameroun sombre dans le désordre, aucun citoyen – qu’il soit du Nord, du Sud, de l’Est ou de l’Ouest – ne sera épargné. 

Le quatrième pouvoir, en tant que gardien de la démocratie, porte une responsabilité particulière en ces moments critiques. Notre rôle ne consiste pas à attiser les flammes de la division, mais à éteindre les incendies par la rigueur de l’information, l’équilibre des analyses et un engagement sans faille en faveur de la cohésion nationale. Les médias doivent résister à la tentation du sensationnalisme pour rappeler inlassablement que le Cameroun constitue un patrimoine commun, une maison que nous devons préserver ensemble. 

On observe avec inquiétude comment certains, avant même la publication de la liste officielle des candidats par ELECAM, prétendent en connaître le contenu, alimentant ainsi des polémiques stériles sur les réseaux sociaux. Ces manœuvres, souvent orchestrées par des ennemis de la stabilité, visent à saper la confiance dans les processus démocratiques. Pourtant, les voies de recours existent : le Conseil constitutionnel demeure l’instance impartiale pour trancher les litiges électoraux. Que l’on soit au pouvoir ou dans l’opposition, la primauté du droit doit rester notre boussole commune. 

Lorsque Paul Biya se présente comme un "mendiant de la paix", il rappelle une vérité fondamentale : la quête de stabilité est l’affaire de tous. La paix véritable ne signifie pas la résignation face aux injustices, mais la conviction que le dialogue et le respect des institutions constituent les seuls remparts contre l’anarchie. Ceux qui, depuis l’étranger ou dans l’ombre, appellent à la violence feraient bien de méditer cette évidence : lorsque le pays brûle, ce sont toujours les plus vulnérables qui en paient le prix le plus lourd. 

Comme l’écrivait Albert Camus avec tant de pertinence, "aimer sa patrie, ce n’est pas en exclure les autres, c’est travailler chaque jour à la rendre plus juste, plus fraternelle, plus digne de ceux qui y vivent et de ceux qui viendront". Cette pensée devrait nous inspirer en ces temps décisifs. Le Cameroun ne saurait être la propriété d’un clan, d’un parti ou d’une région. Il représente notre bien commun, celui pour lequel nous devons, ensemble, choisir la raison plutôt que la passion, l’espoir plutôt que la peur. 

La paix n’a pas de couleur politique. Elle constitue notre devoir sacré à tous – dirigeants comme citoyens, majorité comme opposition. Car au-delà des divergences légitimes, une certitude doit nous unir : il n’existe qu’un seul Cameroun, et sa préservation relève de notre responsabilité collective.

Par Zephirin Koloko, Président de la Mutuelle des Journalistes et Associés du Cameroun

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