Cameroun : cap sur la modernisation des normes de santé et sécurité au travail

Douala accueille depuis ce lundi 22 décembre 2025 un atelier déterminant pour l’avenir de la protection des travailleurs camerounais. Jusqu’au 24 décembre, experts et médecins du travail planchent sur la révision des textes régissant la Sécurité et Santé au Travail (SST), des dispositions jugées obsolètes car datant de plus d’un demi-siècle.

Organisé par la Société camerounaise de sécurité et santé au travail (SCSST) sous le haut patronage de l’Ordre National des Médecins du Cameroun (ONMC), cet atelier technique ambitionne de refonder entièrement le cadre juridique de la sécurité et santé au travail (SST). Les enjeux sont majeurs : adapter la réglementation aux mutations profondes du monde du travail et aligner le Cameroun sur les standards internationaux de l’Organisation Internationale du Travail (OIT).

« Les textes datent de presque 50 ans. Or, le monde du travail a considérablement muté entre temps », a martelé le Dr Joseph Silvère Kaptue, président exécutif de la SCSST, dans son mot de bienvenue. Cette refondation s’impose d’autant plus que la médecine du travail est devenue une spécialité à part entière, nécessitant quatre années de formation spécialisée.

Le président de l’Ordre national des médecins du Cameroun (ONMC), Dr Rodolphe Fonkoua, a ouvert l’atelier après avoir observé une minute de silence en mémoire d’une vingtaine de confrères décédés en 2025. Il a insisté sur l’urgence de réviser ces textes “obsolètes” pour s’arrimer à “la marche irréversible de l’histoire”. Deux axes prioritaires émergent : restituer la pratique de la médecine du travail exclusivement aux spécialistes formés, et revaloriser considérablement le forfait dérisoire de 850 francs CFA par employé et par mois, fixé il y a cinquante ans.

La problématique dépasse la simple mise à jour administrative. En 1979, le Cameroun ne comptait qu’un seul médecin du travail. Les textes d’alors permettaient à tout médecin installé en zone industrielle d’encadrer les travailleurs. Une aberration aujourd’hui, selon les experts réunis à Douala, alors que le pays dispose désormais de nombreux spécialistes qualifiés.

« La médecine du travail telle que définie en 1979 est considérée comme curative, alors qu’elle doit être essentiellement préventive », précise le Dr Kaptue. Les nouvelles dispositions devront consacrer l’action du médecin du travail dans l’identification et l’évaluation des risques professionnels, faisant de lui le chef d’orchestre d’une véritable équipe pluridisciplinaire intégrant ergonomes, hygiénistes et toxicologues.

Le Dr Éyoum Doualla Bruno, directeur de la SST au ministère camerounais du Travail et de la Sécurité Sociale, a confirmé l’engagement du gouvernement dans cette démarche. Les propositions issues de ces trois jours de travaux seront soumises aux plus hautes autorités pour adoption par le président de la République.

Les nouvelles normes devront également intégrer les risques émergents : problèmes psychosociaux, consommation de substances, harcèlement sexuel, violence au travail. Autant de défis contemporains absents des textes de 1979.

Cette révision marque un tournant dans la reconnaissance de la santé au travail comme discipline scientifique exigeante. L’objectif affiché : “adapter le travail à l’homme et non l’homme au travail”, pour garantir un environnement professionnel décent sans compromettre l’avenir sanitaire des travailleurs camerounais.

Au-delà des considérations techniques et juridiques, cet atelier de Douala incarne une ambition plus large pour le Cameroun : celle de rattraper un retard réglementaire de plusieurs décennies et de se positionner comme un acteur crédible dans la protection de sa main-d’œuvre. Dans un contexte de complexification croissante des risques industriels et d’évolution rapide des normes internationales, le pays se donne les moyens de ses ambitions.

Les participants à cet atelier portent sur leurs épaules une responsabilité historique : celle de doter le Cameroun d’un arsenal juridique moderne, à la hauteur des défis sanitaires du XXIème siècle. Une révision réussie pourrait servir de modèle pour d’autres pays de la sous-région confrontés aux mêmes défis d’actualisation de leurs cadres normatifs en matière de santé et sécurité au travail.​​​​​​​​​​​​​​​​

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