Camille Letmand Mispa, ancienne leader d’étudiants : un combat pour l’égalité de genre à l’Université de Douala

Présidente de l’Association des étudiants de la Faculté des lettres et sciences humaines de l’Université de Douala pour l’année académique 2024-2025, Camille Letmand Mispa incarne la résistance aux violences basées sur le genre dans le milieu universitaire. Entre harcèlement, pressions masculines et stéréotypes, cette jeune leader au « mindset fort » a dirigé un mandat « atypique » et plaide pour que les femmes « se capacitent » davantage.

Son témoignage résonne avec les 16 jours d’activisme mondiaux contre les VBG, rappelant que l’égalité de genre reste un combat quotidien, y compris dans les espaces académiques.​​​​​​​​​​​​​​​​

À la tête de l’Association des étudiants de la Faculté des lettres et sciences humaines (AE-FLSH) de l’Université de Douala en 2024-2025, Camille Letmand Mispa s’est imposée comme une présidente au bilan assumé et comme une figure d’émancipation féminine dans un milieu largement dominé par les hommes. Elle revendique un mandat « atypique », jalonné de combats et de victoires, qui illustre la capacité des étudiantes à diriger, décider et tenir face aux pressions de genre.

Une femme de « fort caractère »

Camille se définit comme une femme de « fort caractère » qui refuse de « se faire marcher dessus » au seul motif qu’elle est une femme, revendiquant des « valeurs intrinsèques » reçues par l’éducation et la conviction qu’« on doit briller parce qu’on est compétent », parfois même « meilleur […] que les hommes ». Dans un contexte où « des hommes […] n’acceptent pas se faire diriger par une femme » et préfèrent la commander, elle affirme que « les femmes ne sont plus incompétentes », qu’elles sont désormais instruites et « de plus en plus capacitées que les hommes ».

Camille inaugure son mandat par l’organisation inédite d’« hommages académiques » à un étudiant tchadien décédé, à l’Amphi 501, en présence des autorités consulaires du pays du défunt, « ce qui n’avait jamais été organisé » auparavant. Elle revendique aussi la création des premiers Awards de la FLSH, la victoire à la Coupe du Recteur, l’animation de la vie sociale et culturelle, et la dotation de l’amphi 502 en sonorisation pour les activités des étudiants, autant d’actions confirmées dans le rapport officiel de l’AE-FLSH 2024-2025 dont notre rédaction a obtenu copie.

Dans son bilan, elle n’hésite pas à parler du « plus brillant des présidents d’Association des étudiants de l’Université de Douala sur au moins sept à dix ans », estimant avoir « réalisé les choses qu’aucun président précédemment n’a eues à accomplir » dans le cadre de l’AE-FLSH. Le rapport général 2024-2025 évoque ainsi un bureau élu en décembre 2024 et installé en janvier 2025, qui a rempli « au-delà de toutes attentes » son cahier de charges sur les plans administratif, académique, social et sportif, sous la houlette de cette présidente étudiante en cycle de master au Département de psychologie.

Résister, se former et « se capaciter »

Son parcours de leader la conduit jusqu’au Palais de l’Unité, où « les leaders d’étudiants sont invités à la Présidence de la République pour parler des problèmes estudiantins » et où elle dit avoir eu « la grâce » de faire partie des trois étudiants, « la seule fille », représentant l’Université de Douala. Elle lit dans le message d’investiture du chef de l’État Paul Biya du 06 novembre 2025 au Parlement, un signal adressé « aux hommes », leur rappelant que « ce septennat, c’est celui des femmes et des jeunes » et les invitant à faire confiance aux compétences féminines.

Psychologue en formation, Camille Mispa décrit avoir fait face à des formes de harcèlement et de pressions masculines de la part « d’hommes qui ont […] du crush » pour elle et préfèrent la mettre « sous pression pour exprimer les masculinités et afin de l’affaiblir ». Elle explique balayer « du revers de la main » ces tentatives d’intimidation, refuse de se « victimiser », revendique un « mindset fort » et assume le fait d’être perçue comme « dure » ou « pas compréhensible » parce qu’elle « ne cédait pas à ces petits caprices de gamins ».

Le conseil qu’elle adresse aux jeunes femmes leaders est clair : « se capaciter davantage », se former, fréquenter, se cultiver pour disposer de « suffisamment de connaissances » et faire face aux obstacles, en particulier « face aux hommes ». Pour elle, seule une combinaison de compétences, de courage et de mental solide permet d’éviter de « faiblir » et d’atteindre les objectifs que l’on s’est fixés, dans un environnement où les résistances restent fortes.

À l’heure où le monde observe les 16 jours d’activisme contre les violences basées sur le genre, le témoignage de Camille résonne comme un plaidoyer vivant en faveur des femmes leaders qui affrontent harcèlements, résistances et stéréotypes dans l’espace universitaire. En tirant « la sonnette d’alarme » pour que « notre société soit de plus en plus sensibilisée » à la compétence managériale des femmes, elle inscrit son expérience dans ce temps mondial de lutte contre les violences et discriminations faites aux femmes.

Après un mandat qu’elle juge éprouvant mais victorieux, la jeune leader dit avoir « décidé de lâcher prise » pour se consacrer à son master et se « capaciter davantage » avant de « rebondir sur la scène publique ». Son conseil aux jeunes femmes leaders est sans détour : se former, se cultiver, développer un « mindset fort », « s’armer de courage » pour ne pas « faiblir » face aux hommes et atteindre les objectifs fixés, convaincue qu’« avec le travail acharné, nous pouvons réussir à relever ce pays » et accompagner le septennat annoncé comme celui des femmes et des jeunes.

En filigrane de ce parcours, Camille refuse toute forme de « truc canapé » et de facilité, préférant revendiquer un itinéraire bâti sur « le travail acharné » et la compétence, qu’elle érige en réponse aux violences symboliques et aux tentatives de domination qu’elle a rencontrées. En appelant les hommes à accepter que les femmes dirigent et en exhortant les jeunes filles à se former, à fréquenter, à se cultiver et à « se capaciter » pour tenir tête aux obstacles, elle incarne cette génération de leaders étudiantes qui transforment l’université en véritable laboratoire d’égalité de genre et de résistance aux violences basées sur le genre.

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