Télécoms au Cameroun : L’ART mobilise tous les acteurs pour mieux protéger les consommateurs
Ce matin à Douala, dans les locaux de la délégation régionale de l’Agence de régulation des télécommunications (ART), au quartier Bonanjo, une session particulière du Comité de veille sur la protection des consommateurs des télécommunications électroniques a ouvert ses portes. Cette rencontre, qui réunit régulateur, opérateurs et associations de consommateurs, illustre parfaitement les nouveaux défis d’un marché des télécoms camerounais en pleine effervescence technologique.

L’initiative s’inscrit dans une démarche plus large de rapprochement entre l’autorité de régulation et les acteurs de terrain, dans un contexte où les réclamations des usagers se multiplient et où les enjeux de connectivité deviennent cruciaux pour le développement économique du pays.
Il s’agit, en effet, d’un secteur stratégique sous surveillance renforcée. « Les communications électroniques sont une nécessité vitale », a rappelé d’emblée le délégué régional du Minpostel du Littoral, posant ainsi le cadre d’une industrie devenue incontournable dans l’économie camerounaise. Pour lui, deux impératifs dominent : garantir une qualité de service irréprochable tout en maintenant une tarification juste, accessible et en phase avec les réalités économiques du pays.
Cette double exigence révèle toute la complexité du défi réglementaire. D’un côté, les opérateurs doivent investir massivement dans leurs infrastructures pour suivre l’évolution technologique et répondre à une demande croissante. De l’autre, les consommateurs attendent des services performants à des prix abordables, dans un contexte économique souvent tendu.
L’engagement financier de l’État n’est pas resté lettre morte. Depuis 2021, plus de 156 millions de FCFA ont été injectés dans l’amélioration de la qualité de service - un investissement qui témoigne d’une prise de conscience des enjeux stratégiques du secteur pour le développement national.
Une approche collaborative au cœur de la nouvelle régulation
Patrice-Joël Mpoudi, délégué régional de l’ART du Littoral et Sud-Ouest, prône une philosophie réglementaire résolument moderne : la “régulation collaborative”. Cette approche rompt avec les méthodes traditionnelles de régulation verticale pour privilégier un dialogue permanent entre tous les acteurs de l’écosystème.
« La meilleure régulation pour l’évolution aujourd’hui, c’est celle qui met le régulateur en présence des autres partenaires que sont l’État, les associations de consommateurs et les opérateurs », explique-t-il. Cette vision s’appuie sur un constat simple : dans un secteur aussi dynamique que les télécoms, où les innovations se succèdent à un rythme effréné, la régulation ne peut plus se faire en vase clos.
Cette démarche collaborative s’avère d’autant plus pertinente que le paysage des télécoms camerounais se complexifie. Entre l’arrivée de nouveaux services (5G, IoT, services financiers mobiles), l’évolution des usages et les attentes croissantes des consommateurs, les défis réglementaires nécessitent une approche concertée.
« Le message que le consommateur doit recevoir, c’est que l’État se préoccupe réellement de ses préoccupations », insiste M. Mpoudi. Un discours qui veut rassurer dans un contexte où les réclamations concernant les coupures intempestives, les débits insuffisants ou les surfacturations alimentent régulièrement les réseaux sociaux.
Qualité de service et tarification : les deux fronts de la bataille consumériste
Mme Akwen Beyeng, chef de service régional des affaires juridiques, du contentieux et de la protection des consommateurs à l’ART, détaille les contours opérationnels de cette session. « Nous voulons nous assurer que toutes les questions concernant les consommateurs, particulièrement la qualité de service, soient prises en considération », explique-t-elle avec une précision qui traduit l’urgence de la situation.
Les discussions se concentrent sur deux axes majeurs qui cristallisent l’essentiel des griefs des usagers. D’abord, la qualité de service technique : stabilité des appels vocaux, fiabilité des SMS, performance des connexions Internet et continuité de service. Des paramètres techniques qui, lorsqu’ils défaillent, impactent directement la vie quotidienne et professionnelle des utilisateurs.
Ensuite, la politique tarifaire, sujet hautement sensible dans un pays où le pouvoir d’achat reste limité. Les opérateurs doivent naviguer entre la nécessité de rentabiliser leurs investissements infrastructurels colossaux et l’impératif d’accessibilité des services pour le plus grand nombre.
Cette double problématique révèle un paradoxe classique des marchés de télécommunications en développement : comment concilier innovation technologique, rentabilité économique et inclusion numérique ? La réponse passe nécessairement par un dialogue renforcé entre tous les acteurs, d’où l’importance de ces sessions régionales de concertation.
Cette mobilisation institutionnelle reflète les mutations profondes d’un secteur des télécommunications camerounais en pleine révolution technologique. L’évolution technologique permanente - de la 3G à la 4G, avec en perspective l’arrivée prochaine de la 5G - impose aux opérateurs des investissements considérables. Ces transformations techniques s’accompagnent d’une évolution parallèle des usages : explosion du trafic data, développement du commerce électronique, généralisation du télétravail, émergence des services financiers mobiles.
Cette dynamique crée un cercle complexe d’interactions. Les investissements infrastructurels nécessitent des retours financiers, poussant parfois les opérateurs vers des stratégies tarifaires que les consommateurs peinent à accepter. Parallèlement, l’amélioration de la connectivité génère de nouveaux besoins et de nouvelles attentes qualitatives.
Le Comité de de veille sur la protection des consommateurs des communications électroniques institué en 2021 par le directeur général de l’ART, trouve aujourd’hui sa déclinaison opérationnelle dans ces sessions régionales. Une approche qui vise à territorialiser la régulation en tenant compte des spécificités locales et des préoccupations de proximité.
Cette initiative doualaise s’inscrit ainsi dans une vision stratégique : faire du dialogue multi-acteurs le moteur d’une amélioration durable de l’expérience utilisateur dans les services de télécommunications. Un pari ambitieux dans un secteur où les équilibres restent fragiles entre innovation, rentabilité et satisfaction des usagers.
L’enjeu dépasse largement le cadre technique. Il est question de construire un écosystème numérique performant, inclusif et durable, capable d’accompagner le développement économique et social du Cameroun dans la décennie à venir.