Cameroun - Lions indomptables : Affaire équipementier : précisons notre pensée
Les derniers développements autour du maillot des Lions Indomptables de foot ont permis de toucher du doigt une problématique esthétique qui aboutit au fait qu'il y a un besoin national de voir un maillot qui nous ressemble.
On est donc d'accord qu'il ne s'agit pas seulement d'une étoffe mais d'aller beaucoup plus loin dans le gain qu'il y a à bien négocier avec le prochain équipementier parce que celui-ci va présenter une offre composée d'un package financier, logistique et peut-être technique contre de la visibilité autour d'un label, celui des Lions Indomptables.
Jusqu'à présent, les analyses et propositions ne précisent pas un aspect qui est celui de l'économie du sport.
Soit personne n'en comprenait pas jusque là les grandes lignes - Le Coq sportif vient de nous le démontrer en disant que le contrat est confidentiel, preuve qu'il y a des aspects géostratégiques qu'on ne doit pas montrer au grand public - soit Eto'o et son équipe ont frappé là où ça fait mal.
Nous allons d'abord revenir sur les aspect du design (imprimés patrimoniaux, droit de la propriété intellectuelle, aspects marketing) du/des maillots des équipes de football du championnat toutes catégories y compris de l'équipe nationale, ensuite nous parlerons des possibilités économiques du contrat à négocier et enfin des conséquences de la rupture du contrat avec le ???? coq sportif.
1. Aspects du design patrimonial et droits de la propriété intellectuelle.
Des propositions de design continuent d'inonder la toile, ces propositions oscillent entre les imprimés de ndop, de toghu, d'obom et autres masques Bamoun et fang. Un imprimé n'est pas la toile d'origine c'est juste un dessin qui en rappelle la forme et/ou étoffe. Le tissu des maillots, donc les tissus utilisés dans le sportwear et précisément le sport de compétition n'ont rien à voir avec l'étoffe d'un Ndop ou d'obom. Ils sont en général en maille à laquelle des fibres stretch (élastiques) sont associées et on étudie d'autres aspects en fonction du sport (contact, chaleur, aisance, adhésion à la peau, résistance etc.).
Les design proposés jusque là, s'ils sont validés par la Fecafoot pour être suggérés à l'équipementier, doivent au préalable être protégés à l'Oapi par exemple et peut-être dans une autre organisation de propriété intellectuelle internationale. Les droits y associés doivent appartenir soit à la Fecafoot à 100%, soit au graphiste qui en partage les retombées sur chaque maillot qui utilise ce dessin.
Dans la pratique toutefois, la plupart des équipementiers ont des départements créa qui gèrent ces aspects, et la fédé peut bien suggérer un ou des imprimés négociés et protégés afin qu'ils soient intégrés sur le maillot et les gadgets à produire portant le label Lions Indomptables.
Il reste donc à l'équipementier de produire et voir comment distribuer et rendre disponible les maillots d'origine ainsi que tous les gadgets y associés au Cameroun, en Afrique et dans le monde. L'enjeu devient par conséquent le contrôle des quantités produites et la lutte contre la contrefaçon.
2. Le nœud stratégique du contrat avec l'équipementier : les retombées économiques pour le Cameroun et le développement d'une économie du sport.
Jusqu'à présent, tout le monde voit juste qu'il faut de temps à autre montrer son patriotisme en achetant un maillot ORIGINAL des Lions et le montrer soit au stade, soit au quartier où lorsqu'on voyage. Aucune équipe en Afrique, en dehors peut-être de l'Afrique du Sud ou de l'Égypte n'a jamais négocié un contrat qui oblige l'équipementier à installer une usine de production de ses équipements dédiés dans le pays de l'équipe qu'on va habiller afin de garantir la disponibilité, l'authenticité la comptabilité, la création des emplois, et l'attrait des flux techniques et Matériels utilisés dans la confection des équipements de sport.
N'importe quel industriel local peut aller en Chine recopier le maillot de l'équipe nationale et inonder le marché. C'est d'ailleurs ce qui se passe avec les maillots et gadgets des Lions. S'offrir un maillot original (enjeu économique et de fierté) est souvent proche de la sorcellerie.
Rien n'empêche l'Etat du Cameroun d'associer la Fédé à la Cicam, la Sodecoton à prendre des actions dans l'usine que l'équipementier va installer au Cameroun, et que pour les Lions Indomptables et les autres équipes du Continent habillées par le même équipementier, puissent avoir des équipements originaux qui soient disponibles et distribués dans le sens inverse.
Les fibres de coton dont on ne sait plus quoi faire à la Sodecoton et le pagne du 08 mars comme seule activité rentable de la Cicam, ne seraient elles pas boostées en matière d'emploi et de rentabilité économique ?
La FIFA ou l'équipementier ne seraient pas d'accord?
Le Cameroun et les USA seuls ont déjà fait changer les lois du jeu du football. Le Cameroun plus de 03 fois (la touche au gardien, la passe au gardien, plusieurs ballons dans l'espace de jeu) et les USA une fois (les numéros de maillots).
Puma en 2000 et 2002, un équipementier moyen à l'époque, s'est fait des milliards sur les Lions Indomptables mais le Cameroun n'a gagné que des miettes. À ce jour, on se débrouille toujours manuellement avec le flocage, la sublimation, la petite broderie, le transfert sur de petites unités, sur des polos, t-shirts et survêtements importés. Les autorités n'ont jamais pensé utiliser les Lions pour capitaliser autour de l'économie du sport et habiller toutes les équipes africaines parce que l'usine de l'équipementier choisi est implantée au Cameroun.
On veut juste gagner le trophée de la coupe du monde? C'est bien, mais c'est rien à côté de ce que nous pouvons gagner sur du long terme.
l'Angleterre a une seule coupe du monde, son gain c'est dans l'économie du sport. Puma, cousin de Adidas, ne jouent pas au foot, mais se sucrent sur tous les sports dans le monde.
Le Cameroun a déjà des stades homologués FIFA. Seuls les Lions rentabilisent un peu, il est temps de profiter un peu en obligeant l'équipementier à produire au Cameroun. On est tous gagnants sur le long terme.
3. Faut-il résilier le contrat avec le Coq?
Sur la base de ce que nous avons développé, que ce soit le coq ou un autre, ce n'est qu'une affaire de design de maille et de production de quantités. Il ya des enjeux économiques derrière. On ne va donc pas mettre les organes mais raisonner froidement.
Le contrat, paraît il, finissait en 2023. Eto'o dit qu'il veut quelqu'un d'autre...et ne veut pas aller en coupe du monde en étant habillé par le Coq.
Surtout qu'il dit qu'il ne sait même pas ce qu'il ya à l'intérieur de cette affaire.
Eto'o, c'est un peu comme Trump (nous le souhaitons). Il tape fort pour renégocier. Si c'est l'option, c'est plutôt très intelligent pour obtenir une meilleure position.
Le coq sportif c'est une petite marque même si ancienne. C'est rien du tout à côté de Puma, Adidas ou Nike. Noah Yannick serait actionnaire ce qui est aussi une bonne chose pour l'orientation stratégique et économique que nous donnons. Le coq pourrait se faire un vrai nom et peut-être garder le contrat s'il consent à voir sur le long terme en composant sur de l'inédit.
Si Eto'o rompt définitivement, qui va payer les frais colossaux de rupture de contrat ?
Le nouvel acquéreur, mais avec quoi il va payer pour l'usine qu'il faut mettre sur pied au Cameroun?
Dans cette configuration, ne vaut-il pas supporter que le contrat finisse tranquillement même si on n'a pas l'usine?
Si l'usine est garantie par le futur équipementier, il faut faire un ndjomba de coq et digérer l'affaire.
La coupe du monde c'est une vitrine extraordinaire mais la prochaine n'est pas très loin. Gagner 100 milliards en 06 mois n'est rien à côté de 3000 milliards et plus sur 10 ans.
Conclusion
Le Cameroun est habitué aux joutes verbales, au Kongossa sur Facebook. On se querelle parce qu'un dessin représentant une communauté (ce qui est même faux) va figurer sur un bout de tissu produit à mille lieux, dont on n'est même pas sûrs qu'il a été protégé en notre faveur. Sur le tard, on s'aperçoit qu'il ya plus que du flou dans un contrat signé dans une chambre et que le droit positif protège.
On tire sur Eto'o qui doit certainement comprendre qu'il n'est pas un super homme et qu'il doit travailler avec tout le monde,
Mais on oublie l'essentiel. Le Cameroun doit enfin profiter du talent de ses fils en entrant prendre sa part de gâteau par l'intelligence, dans le gain de l'économie du sport. C'est possible.
Ekani Ottou
Enseignant, Stratège en communication,
Psychosociologie de la Mode et du Design
Institut Supérieur des Beaux Arts
Cheikh Anta Diop
Yaoundé
Cameroun