Face au silence et à l’abandon ressenti dans le Lom-et-Djérem, une voix s’élève pour interpeller le Président de la République. Lettre ouverte portée par la détresse d’une population oubliée.
Monsieur le
Président de la République,
En mon nom propre, et au nom de ceux et celles qui ne peuvent pas s’exprimer publiquement par peur de représailles, je prends aujourd’hui la plume pour vous adresser ce cri de détresse. Je le fais avec respect, mais aussi avec la gravité que m’imposent les souffrances vécues par les populations du Lom-et-Djérem, et plus largement de la région de l’Est.
Monsieur le Président, ce que nous vivons sur le terrain ne correspond pas aux rapports souvent transmis à Yaoundé. Ici, les réalités sont dures : le département s’enlise dans la pauvreté, l’isolement et le manque d’opportunités. Les populations, de Diang à Bélabo, de Bétaré-Oya à Ngoura, de Garoua-Boulaï à Bertoua, se sentent oubliées et abandonnées.
La Route Nationale N°1, lancée en 2008 et attendue depuis si longtemps, est l’exemple le plus frappant. Son inachèvement, notamment dans l’arrondissement de Diang, symbolise l’abandon que nous subissons. Relier Bertoua à Garoua-Boulaï reste un calvaire quotidien, avec des conséquences désastreuses : difficultés de circulation, insécurité routière, renchérissement des prix, découragement des investisseurs.
Monsieur le Président, l’Est est pourtant une région riche en ressources naturelles : forêts, minerais, terres agricoles. Mais cette richesse ne profite pas à ses enfants. La jeunesse se retrouve sans avenir, livrée au chômage et au désœuvrement. Beaucoup sont contraints à l’exode, tandis que les femmes, premières actrices de survie, portent seules le poids des privations. Le contraste entre nos richesses et nos conditions de vie crée une amertume profonde.
Nous savons que vous avez confié des responsabilités à vos collaborateurs pour transformer ces réalités. Mais sur le terrain, beaucoup n’ont pas rempli leur mission. Ils ne vous ont pas rendu fidèlement compte de la souffrance des populations. C’est pourquoi nous vous implorons d’envoyer des émissaires parcourir le vrai Lom-et-Djérem, sans cortège ni protocole, mais à travers les mêmes moyens que nous : bus, motos, véhicules de fortune. Alors, ils constateront par eux-mêmes la vérité.
Monsieur le Président, ce lundi, un meeting du RDPC est prévu dans le département. Les populations qui y prendront part ne le feront pas toujours par conviction, mais souvent en raison des récompenses et avantages distribués lors de ces rassemblements. La réalité ne vous sera pas fidèlement rapportée à travers les images et discours qui vous parviendront. Ici, les vérités ne se disent qu’à voix basse, dans l’ombre, à l’abri des regards. Vos collaborateurs locaux ne rendent pas un franc témoignage de votre œuvre. Le seul mot d’ordre que l’on entend est : préserver les acquis. Mais lorsque la question est posée de savoir quels acquis, c’est le silence qui répond.
Monsieur le Président, je signe cette lettre en mon nom, mais aussi pour ceux qui n’ont pas la liberté de s’exprimer. Car si beaucoup se taisent, ce n’est pas par indifférence, mais par peur. Je prends ce risque, convaincu que vous saurez entendre ce cri sincère.
Veuillez agréer, Monsieur le Président de la République, l’expression de ma très haute considération.
Zock Zang Jean Philippe
Au nom de la jeunesse du Lom-et-Djérem et de la région de l’Est