Port autonome de Kribi : immersion au cœur du géant portuaire qui propulse le Cameroun vers l’excellence maritime
Une vingtaine journalistes de diverses régions du Cameroun ont arpenté pendant deux heures les installations du Port Autonome de Kribi (PAK), découvrant les coulisses d’une infrastructure de classe mondiale qui réécrit les standards portuaires en Afrique centrale.
Le soleil de ce jeudi 18 décembre 2025 illumine la route menant à Mboro, à 35 kilomètres de la cité balnéaire de Kribi. À 13 heures précises, la délégation de journalistes venus des quatre coins du pays franchit la première barrière du Port de Kribi. L’atmosphère est à la fois solennelle et électrique. Chaque visiteur est soumis à un contrôle d’identité minutieux par la Sûreté portuaire. Ces protocoles stricts, loin d’être une contrainte, révèlent l’engagement du PAK à respecter les normes de sécurité des grands ports internationaux.
Au bloc administratif, Albert Jonathan Metote Ndengue, chef de la cellule de communication et des relations publiques, accueille chaleureusement les professionnels des médias au nom du directeur général, Patrice Melom, étant empêché. Son mot de circonstance résonne comme une invitation à découvrir un joyau technologique et économique dont le Cameroun peut s’enorgueillir. La visite peut commencer, et elle s’annonce révélatrice d’une ambition nationale devenue réalité.
Un terminal à conteneurs qui défie les géants maritimes mondiaux
À 13h53, les journalistes arrivent au checkpoint du Kribi Conteneurs Terminal (KCT). Un officier du port prend les rênes de la visite guidée, et d’emblée, les chiffres donnent le vertige. Le terminal déploie 715 mètres linéaires de quai fondé à -16 mètres de profondeur, une prouesse technique qui lui permet d’accueillir les mastodontes des mers. Sept portiques de quai, dont deux capables de lever 61 tonnes et cinq autres de 65 tonnes, orchestrent un ballet mécanique d’une précision horlogère. Au sol, 25 portiques de parc complètent ce dispositif impressionnant sur 33 hectares de terre-plein.
« Ce port est particulier », explique le guide aux journalistes captivés. « Nous desservons cinq lignes maritimes sans séquencement d’heures d’opérations. Les navires de très grande capacité y trouvent leur place », dit-il. L’événement marquant de 2025 en témoigne : l’accueil du MSC Turkiye, l’un des plus gros porte-conteneurs au monde, lors de la mise en exploitation de la phase 2 du port. Une consécration qui positionne Kribi parmi l’élite portuaire mondiale.
Devant les yeux des visiteurs, les opérations de déchargement, transbordement et gerbage des conteneurs se succèdent avec une fluidité remarquable. Les conteneurs destinés à l’import côtoient ceux préparés pour l’export, dans une chorégraphie logistique qui ne connaît ni répit ni improvisation. Les performances parlent d’elles-mêmes : 440,72 EVP K (équivalent vingt pieds) manutentionnés fin octobre 2025, contre 304,54 EVP K sur toute l’année 2024. Une progression fulgurante qui illustre la montée en puissance du port camerounais.
Des infrastructures diversifiées pour un rayonnement continental
À 14h17, la délégation se dirige vers le Terminal polyvalent, également appelé Terminal vraquier. Cette installation de 615 mètres linéaires de quai, elle aussi fondée à -16 mètres, dispose de 33 hectares de terre-plein et de deux grues mobiles de 40 et 25 tonnes. Si le Terminal à conteneurs impressionne par sa modernité, le Terminal polyvalent, quant à lui, séduit par sa polyvalence. Il a manutentionné plus de 4,37 millions de tonnes de marchandises diverses depuis son ouverture, avec un record de 1 057 451 tonnes fin octobre 2025.
La visite se poursuit vers la digue de protection, cette sentinelle de béton et d’acier qui protège les navires et les installations contre les forces naturelles de l’océan Atlantique. Cet ouvrage d’art, souvent invisible dans les bilans économiques, constitue pourtant l’épine dorsale de la sécurité maritime du complexe portuaire. Sans lui, les opérations continues qu’observe la délégation seraient impossibles, explique-t-on.
Puis vient la Zone industrialo-portuaire, le clou de cette visite. Quinze mille hectares attribués par décret présidentiel en juin 2023, faisant du PAK l’une des plus vastes zones portuaires confiées à une autorité maritime dans le monde. En 2025, cinquante et une entreprises y ont établi leurs quartiers, contre seulement trente-quatre en 2024. Une progression de +50% qui témoigne de l’attractivité croissante du site. Parmi elles, dix entreprises logistiques et quarante et une entreprise industrielle transforment cette zone en véritable poumon économique régional.
La révolution digitale qui change la donne
Ce qui distingue véritablement le PAK des autres ports de la sous-région, c’est son virage numérique audacieux. Derrière les grues et les conteneurs, une infrastructure technologique invisible mais omniprésente orchestre chaque mouvement. Le port s’appuie sur un maillage en fibre optique couvrant toute la zone portuaire, une infrastructure de radiocommunications pour la coordination opérationnelle, et un système de surveillance périmétrique par caméras CCTV fonctionnant 24 heures sur 24.
Le Système d’Information Portuaire (SIP) constitue le cerveau numérique de cette infrastructure. Le Port de Kribi a glané de nombreuses récompenses tant au Cameroun que sur la scène internationale. Entre autres le Prix de la meilleure productivité à quai décerné en décembre 2023 par l’Agpaoc au cours de son assemblée générale tenue à Lagos au Nigéria, le “Molestone achievement awards” obtenu en octobre 2023 à Bruxelles à l’occasion du Rebranding Africa awards et le Prix pour l’accompagnement stratégique décerné au Port autonome de Kribi par la Direction générale des Douanes du Cameroun en octobre 2022 à Yaoundé.
La digitalisation du “Smart port” s’inscrit dans une démarche d’interconnexion avec l’ensemble de l’écosystème : la Douane, le Guichet Unique des Opérations du Commerce Extérieur (GUCE), les concessionnaires de terminaux KCT et KMT, les agents maritimes, le Conseil National des Chargeurs du Cameroun, et une myriade d’autres acteurs. Au total, trente-deux procédures sont déjà dématérialisées à 100%, tandis que trois autres sont en cours de numérisation.
Un bilan commercial qui défie les prévisions
Depuis le lancement des opérations commerciales en 2018, le PAK a accueilli plus de 3 285 escales de navires et manutentionné plus de 87 millions de tonnes de marchandises, transbordement compris. Le port traite des flux diversifiés : à l’import, des bonbonnes et bouteilles, des poissons congelés, des carreaux et dalles de céramique, des équipements divers. À l’export, le coton, non cardé no peigné, domine avec 3 041 EVP, suivi par les bois sciés et les bois bruts, témoignant de la richesse des ressources camerounaises transformées avant leur départ vers les marchés mondiaux.
La Chine s’impose, en termes de pays de provenance, comme le premier partenaire commercial avec 32 101 EVP, loin devant la Malaisie (3 846 EVP) et l’Espagne (2 526 EVP). Cette géographie commerciale reflète l’intégration du Cameroun dans les chaînes de valeur mondiales et confirme le Port autonome de Kribi comme porte d’entrée d’un vaste hinterland couvrant l’ensemble de l’Afrique centrale et une partie du Nigeria.
Le chiffre d’affaires cumulé entre 2018 et septembre 2025 atteint 1 172 milliards de FCFA, avec un record semestriel de 158 milliards de francs CFA au premier semestre 2025. Ces performances financières alimentent non seulement le développement du port lui-même, mais contribuent significativement aux recettes douanières et à l’économie nationale.
Le projet ZIIPK, catalyseur d’industrialisation
La Zone Industrielle Intégrée du Port de Kribi (ZIIPK) représente l’étape suivante de cette success story. Sur 4 000 hectares, le PAK développe en partenariat avec des acteurs internationaux (AGL, Tanger Med Agency, ARISE IIP et Belmont Investments) un écosystème industriel complet. L’investissement prévisionnel de 795 millions d’euros servira à viabiliser de nouveaux espaces et construire des infrastructures commerciales.
Les filières prioritaires identifiées – matériaux de construction, agro-industrie, assemblage d’engins et véhicules – répondent aux besoins du marché camerounais et régional. Trente-cinq entrepôts totalisant 64 634 mètres carrés de capacité de stockage sont déjà opérationnels, avec cinq stations-services en perspective. Des entreprises comme Bolloré Transport Logistique (BTL), KMT, Color Ceramica et d’autres ont déjà saisi l’opportunité.
Un regard tourné vers l’avenir
À 15 heures, lorsque la délégation de journalistes quitte le site, les esprits sont marqués par l’ampleur de la transformation accomplie en moins d’une décennie. Mais le PAK ne compte pas s’arrêter là. Les perspectives tracées incluent l’intégration de l’intelligence artificielle, de l’Internet des objets (IoT), du Big Data et de la 5G pour accroître encore les performances. La digitalisation complète du passage des marchandises conventionnelles et en vrac figure également au programme, tout comme le renforcement continu des compétences digitales des acteurs portuaires.
Le Port de Kribi incarne désormais bien plus qu’une infrastructure maritime. Il représente l’ambition d’un Cameroun connecté aux flux économiques mondiaux, d’un pays décidé à transformer ses matières premières localement avant exportation, d’une nation qui fait le pari de l’excellence opérationnelle et de la transparence totale des processus. Les journalistes repartent avec la conviction d’avoir découvert un modèle d’innovation digitale au service d’une communauté portuaire dynamique, un hub stratégique qui trace résolument la voie d’un développement durable et connecté pour toute l’Afrique centrale.






