Jacques Eone : « Du rêve coréen au rêve camerounais : l’Afrique ne doit pas rater le virage de l’IA »
INTERVIEW. Tout juste rentré du Future Innovation Tech Expo en Corée du Sud, Jacques Eone tire les leçons d’une expérience qui conforte ses ambitions pour le continent. À la tête de l’Association Camerounaise de Robotique, il porte un message d’espoir et d’urgence : l’Afrique possède les talents, il lui faut désormais la vision et l’engagement politique pour bâtir son propre miracle technologique. Rencontre avec un homme qui croit aux vertus de la persévérance.
1- Monsieur le Président, vous avez eu l’honneur de représenter le Cameroun à FIX 2025 en Corée du Sud. Qu’est-ce qui a motivé votre participation à cet événement international, et quelles étaient vos attentes avant de vous y rendre ?
En effet, j’ai eu le privilège de participer à l’édition 2025 du FIX, mais également, en parallèle, au Daegu Global Robot Forum (DGRF).
Cette double participation s’inscrivait dans le cadre d’une coopération active entre le Cameroun et la Corée du Sud, notre pays étant depuis trois ans membre à part entière de la plateforme mondiale sur la robotique GRC (Global Robot Cluster).
Cette présence visait non seulement à consolider la place du Cameroun, mais également celle de l’Afrique dans la sphère des nations ambitieuses en matière de robotique et d’intelligence artificielle.
Elle a aussi permis de valoriser le rôle de Sparte Robotics, partenaire premium de l’Association que je préside, et entreprise pionnière dans le domaine de la robotique en Afrique centrale.
2- L’événement était centré sur le thème “The Future Already Begun, All on AI”. Quelles ont été les innovations qui vous ont le plus marqué, et comment ces découvertes pourraient-elles être adaptées au contexte camerounais ?
Le thème “The Future Already Begun, All on AI” traduit parfaitement la nouvelle réalité mondiale : plus rien ne se fera sans l’intelligence artificielle.
Parmi les nombreuses innovations présentées, j’ai été particulièrement impressionné par les avancées en mobilité intelligente notamment l’intégration harmonieuse entre IA, véhicules électriques et robotique.
Ce qui m’a le plus marqué, c’est le caractère profondément humain de ces innovations.
En Corée, on ne cherche pas à remplacer l’humain par la machine, mais à lui offrir un partenaire collaboratif, un prolongement de ses capacités.
Pour le Cameroun, cette approche est très pertinente. Dans un contexte de sous-emploi, il est essentiel que la robotique soit perçue non comme une menace, mais comme une opportunité de progrès.
Nous avons également observé comment ces technologies pourraient être adaptées à nos entreprises locales, notamment dans la logistique, la maintenance industrielle ou encore l’agriculture de précision.
3- Durant ces quatre jours, avez-vous pu établir des contacts stratégiques ou initier des discussions de partenariat qui pourraient bénéficier au développement de la robotique au Cameroun ?
Absolument. C’était notre deuxième participation à cet événement, et nous y retournons chaque année avec des partenaires établis.
En tant que membres du Global Robot Cluster (GRC), nous collaborons avec plus de 28 pays sur des projets pilotes, des échanges de formation et des initiatives de transfert de technologies.
Notre ambition est claire : faire du Cameroun l’un des piliers de la robotique et de l’IA en Afrique.
C’est dans cette optique que nous avons lancé il y a quelques années ELVIATECH, la première et plus grande compétition de robotique d’Afrique centrale, qui réunit chaque année des milliers de jeunes chercheurs, d’entreprises et d’institutions.
Nous avons également bénéficié du soutien de plusieurs acteurs locaux engagés dans la transition numérique et l’automatisation, tels que le Port Autonome de Kribi, entre autres entreprises nationales.
4- Quelles sont les retombées concrètes que vous envisagez suite à cette participation ? Des projets ou programmes à venir ?
Pour atteindre un niveau comparable à celui de pays comme la Corée du Sud, le soutien de l’État est indispensable, et l’engagement du secteur privé l’est tout autant.
Notre stratégie consiste à sensibiliser et accompagner les institutions dans la compréhension de ces enjeux, par la communication, la démonstration et la coopération.
Nous partageons régulièrement nos expériences, nos activités et les modèles réussis à l’étranger pour inspirer une dynamique nationale.
Par ailleurs, notre plateforme évolue désormais vers une dimension continentale : nous avons récemment lancé l’Initiative Africaine pour la Coopération en Robotique et Intelligence Artificielle, qui vise à fédérer les acteurs du continent autour d’une vision panafricaine de la robotique.
Nous restons disponibles pour travailler main dans la main avec les autorités, les universités et les entreprises afin d’accompagner le Cameroun et l’Afrique vers cette transition technologique incontournable.
5- À la lumière de cette expérience, quelle est votre vision pour positionner le Cameroun dans l’écosystème robotique africain et mondial ? Et quelles recommandations adresseriez-vous aux autorités et au secteur privé ?
Ma vision est de voir le Cameroun devenir un acteur de référence en robotique appliquée et en IA responsable sur le continent africain.
Cela passe par une stratégie de long terme, soutenue par une vision nationale claire, la formation des jeunes, et le soutien aux entreprises technologiques locales.
J’encourage nos autorités à s’inspirer de la Corée du Sud, où l’État a accompagné la création de véritables géants industriels comme Hyundai en leur permettant de se diversifier dans plusieurs secteurs (automobile, BTP, robotique, etc.), assurant ainsi leur stabilité et leur rayonnement mondial.
Le “rêve coréen” celui d’un pays transformé en 30 ans par la science, l’éducation et la technologie doit inspirer le “rêve camerounais”.
6- Pour conclure, quel message d’espoir souhaitez-vous adresser à la jeunesse camerounaise intéressée par la robotique ?
Mon message est simple : rien n’est impossible à qui persévère avec vision et discipline. Aucun pays n’est devenu une puissance technologique en deux ou trois ans. Cela demande du temps, de la collaboration et de la foi dans ses capacités.
La jeunesse camerounaise doit comprendre que l’avenir se construit avec des compétences, mais aussi avec une volonté collective.
La robotique, ce n’est pas seulement des machines c’est une philosophie du progrès.
Et je suis convaincu que cette génération peut, à son tour, écrire une page glorieuse de l’histoire technologique africaine.






